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Bryan Cranston : "Je n'oublie pas d'où je viens"

Bryan Cranston aborde la nouvelle saison de Breaking Bad et son actualité ciné intarissable.

Bryan Cranston à la projection de © Jason LaVeris / FilmMagic
Bryan Cranston à la projection de "Breaking Bad" au Mann's 6 Theatre, le 28 juin 2011 à Hollywood.

Depuis quatre ans et son rôle dans la série Breaking Bad, l'actualité de Bryan Cranston a littéralement explosé. Ce rôle l'a révélé au grand public comme un acteur aux multiples facettes, capable de tout jouer avec brio.

Cette année en particulier, l'acteur s'illustre en étant à l'affiche de nombreux films, et a encore de nouveaux projets à venir, tandis que la nouvelle saison de Breaking Bad commence dans moins de deux semaines outre-Atlantique. L'acteur en a profité pour se confier à Collider.com, avec la bonne humeur et la modestie qu'on lui connaît.

Collider.com : Êtes-vous à Toronto, sur le tournage de Total Recall, à l'heure actuelle ?
Bryan Cranston : Non, je suis à Albuquerque. Il nous reste une dizaine de jours de tournage de la saison quatre de Breaking Bad.
Intéressant que vous ne soyez pas encore à Toronto.
J'y étais ce week-end pour des tests caméra, des essayages de costumes et de maquillage, ce genre de choses. Histoire de me familiariser au projet, rencontrer les gens, parler un peu du personnage. Je suis ensuite rentré ici. Nous sommes donc prêts à filmer. Ça sera amusant d'aller là-bas et de filmer Total Recall. Len Wiseman est un chouette type et j'ai rencontré Colin Farrell. C'est quelqu'un d'adorable. J'ai regardé une scène qu'il tournait ce jour-là et je me suis dit : "Bon sang, il crève l'écran."
Effectivement, mais vous aussi, vous crevez l'écran. Votre carrière ne se porte pas mal du tout.
Oui, la vie est belle.

"Je crois du fond du cœur qu'une carrière artistique est seulement possible grâce à un peu de chance."

Bryan Cranston à Collider.com
Avec tout ce qui se passe dans votre carrière actuellement, avez-vous l'impression d'avoir en quelque sorte gagné la loterie ?
Si vous croyez aux vies passées, alors j'ai dû être quelqu'un de malmené. J'ai dû être mal traité, battu et réduit à l'esclavage parce que ma vie actuelle est tout simplement phénoménale. J'ignore pourquoi. Je pense que ça vient de mon éducation modeste, et je le pense sincèrement. Je viens d'une famille de classe moyenne qui devait parfois se serrer la ceinture. On faisait attention aux dépenses, on utilisait des bons de réduction. C'est tout cet ensemble qui a construit mon enfance, et comme tous ces enfants d'ouvriers je ne pouvais rien prendre pour acquis, puisqu'on vivait au jour le jour. Je n'oublie pas d'où je viens, même encore aujourd'hui. Toutes ces choses qui se présentent à moi, ces opportunités, ces sécurités financières, ces récompenses. Je suis ébloui, et à chaque fois que cela arrive, je me dis : "J'ai encore gagné ? Incroyable !" Je ne m'y attends pas. J'en suis évidemment reconnaissant, mais je n'ai pas cette notion d'acquis. Je ne crois pas que la vie ou que le métier me doive quoi que ce soit. La seule manière de l'aborder, c'est de travailler dur et d'aimer ce qu'on fait. Si on fait ça avec conviction, on peut avoir de la chance. Je le pense sincèrement. Je crois du fond du cœur qu'une carrière artistique est seulement possible grâce à un peu de chance.
La saison 3 de Breaking Bad va bientôt sortir en Blu-ray et DVD et la saison 4 commence sous peu. Quel regard portez-vous sur les trois saisons ? Comment envisagez-vous l'avenir ?
La première saison portait sur un choix. On y découvrait cet homme, sa vie, sa situation désespérée, ses options limitées, et il fait un choix de vie. Dans la seconde saison, il réalisait : "Oh, ce plan n'est finalement pas si simple. Ce choix a des retombées. Ah ah !" Dans la troisième saison, il ne se voile plus la face. Il accepte le fait qu'il est motivé par le crime et qu'il ferait mieux de se mettre à niveau et d'acquérir une crédibilité dans le milieu, sans quoi il perdra la vie. Pour un homme brillant, il a été naïf à bien des comptes. Il a dû adopter la conduite d'un criminel. Il a dû lire Être un criminel pour les nuls. La saison 4 explore ces possibilités. C'était forcé, justifiable. On commence en première saison avec cet homme face à un dilemme. Il est malade et soudain, c'est comme le printemps. Soudain, il passe d'une brindille à un buisson, et il devient un arbre. L'histoire devait s'étendre pour y inclure les gens qu'il bafoue, ceux du cartel. Son implication se complique, s'amplifie. Et maintenant, il y a des pousses de cet arbre dispersées un peu partout. Comme promis, la vie de cet homme devient de plus en plus compliquée, et pas le contraire. Son plan tout simple ne l'est pas du tout. Tout devient plus sombre et plus profond. Avant, il était sur le point de devenir une nouvelle personne, et maintenant il l'est. Il doit juste accepter totalement qui il est et ce dont il est capable pour survivre.
Absolument. Sans rien dire de spécifique pour ceux qui ne l'auraient pas vue, la saison dernière s'est terminée d'une manière qui laisse entrevoir cela. Avec une période si longue entre les saisons 3 et 4, avez-vous dû vous réhabituer à être dans la tête de Walter ou était-ce un déclic immédiat ?
C'est un déclic. Mon déclic, comme pour la plupart des acteurs, est la lecture du premier scénario. Je me dis : "Oui, ça m'est familier." Même si cela fait un an. Il y a eu un an entre la fin de la production de la saison 3 et le début de celui de la saison 4. À la lecture, je pense : "Je me souviens de ce type." Et alors, j'arrive au boulot et j'enfile mes mocassins, mon pantalon beige, mon t-shirt et mes lunettes. Je me rase la tête et je me fais un bouc, et là je me dis : "C'est bon." C'est comme enfiler des vêtements habituels. J'allais dire "confortables", mais la vie de Walt est tout sauf confortable.
Vince Gilligan a eu beaucoup de temps pour planifier cette nouvelle saison, la production n'ayant repris qu'au début de l'année. Connaissiez-vous beaucoup de l'intrigue de la saison 4 ou préférez-vous avancer un scénario à la fois ?
La deuxième proposition. Les scénarios peuvent être lus à l'avance, mais je trouve que cela est plus perturbant qu'autre chose, avec une histoire aussi remplie de rebondissements et de surprises inattendues. Ça ne m'aide pas d'être trop en avance sur ce que l'on filme. Parce qu'alors, je me dis que j'ai déjà vu ou rencontré ce personnage. Et non, c'est dans l'épisode suivant qu'on se rencontre. À ce stade, j'ai seulement entendu parler de lui. C'est avec ce genre de choses qu'on peut être perturbé. Walt ignore ce qui va lui arriver dans l'heure qui arrive, encore moins dans un jour, un semaine ou un mois. Avec cela en tête, je suis plus à l'aise avec la surprise, sachant seulement ce que le personnage sait, semaine après semaine.

"Tout commence par la lecture d'un scénario. [...] Quand l'écriture est bonne, il y a une chance que le résultat soit bon."

Bryan Cranston à Collider.com
On a parlé de mini-épisodes avant la saison 4. Est-ce toujours d'actualité ? Les avez-vous filmés ?
Non. C'était ma grande gueule qui disait souvent ça l'année dernière, quand on me disait : "Il va y avoir une longue attente entre les saisons." Et moi, je répondais : "Oui, ça serait super de faire des mini-épisodes." J'ai présenté cette idée à Vince et à Sony et tout le monde semblait l'apprécier. Alors quand les gens me demandaient, je disais qu'on ferait ça. Je pensais que l'idée ait plu voulait dire qu'on avait le feu vert. Vous savez, j'aime les Maserati. Est-ce que je vais en avoir une pour autant ? Non. J'ai appris une leçon, on a dû se rétracter après. C'était une simple idée que tout le monde appréciait. Mais c'était dur pour les scénaristes qui voulaient les écrire et en avoir la charge de ce qui s'y passait. Ils sont tellement impliqués dans l'histoire initiale qu'ils ne pouvaient pas faire une pause et porter leur attention sur ce concept de minisodes. Aujourd'hui, en prévoyant les choses plus en amont, on pourrait peut-être en réaliser, mais ce n'est peut-être plus nécessaire. On verra.
Vous avez eu un petit rôle dans La défense Lincoln, un film très sous-estimé. Quand vous avez rejoint le projet, saviez-vous que le film serait aussi bon ?
Tout commence par la lecture d'un scénario. J'ai lu le scénario et je l'ai aimé. Quand l'écriture est bonne, il y a une chance que le résultat soit bon. Ce n'est pas toujours le cas, mais c'est une possibilité. Si l'écriture est mauvaise, ce sera mauvais. Ça marchera peut-être, mais selon mes critères, ça sera mauvais. Ainsi, on m'a demandé de lire le scénario, ce que j'ai fait. Je l'ai beaucoup apprécié et j'ai parlé au réalisateur. On a parlé de quel rôle me conviendrait et ce qui pourrait fonctionner. Il montait l'ensemble. C'est comme mélanger les ingrédients d'un gâteau. On veut qu'il gonfle, qu'il soit beau, qu'il soit bon. J'ai commencé à vraiment vouloir être de la partie. J'ai demandé : "Laissez-moi choisir un rôle." William H. Macy était déjà casté et, bien sûr, Matthew McConaughey l'était aussi. Le seul rôle approprié qu'il me restait était celui de l'un des détectives. J'ai choisi le rôle qui a des motivations personnelles et qui a une relation particulière au personnage principal. Je me suis dit que ça serait amusant à jouer. Comme ça a toujours été le cas, on est susceptible de se faire couper au montage. Ça été le cas de mon rôle dans La défense Lincoln, et à raison. Je comprends. Un film doit être long comme il faut par rapport à l'histoire, sans l'être trop. Il y a certains passages qu'on peut supprimer. C'est véritablement un résultat de l'aptitude de concentration de notre société. Vous imaginez si vous deviez vous connecter par modem, aujourd'hui ? [il imite le son d'une connexion internet] Vous diriez : "Mais enfin, c'est pas possible !" Mais au temps du bas débit, vous disiez : "Voilà, c'est comme ça que ça marche. Ça va vite ! Ma page s'est affichée en trois minutes ! C'est dingue comme ça va vite !" On n'a cessé d'augmenter notre niveau d'impatience. On veut tout immédiatement. Cette idée se retrouve dans le cinéma et le public moderne. Enfant, on allait toujours au cinéma voir deux films à la fois. Vous imaginez faire ça aujourd'hui ? Et les films d'avant étaient plus longs, ils duraient deux heures ou plus. On parle donc d'un total de quatre heures et demi.
Effectivement, un spectateur moyen veut une heure et demi de divertissement, puis passer à autre chose.
Voilà, tout à fait. "J'ai fini. Je veux faire autre chose."
Du bon côté des choses, il y aura sûrement une version longue en Blu-ray et DVD. Pour les amateurs du film qui veulent voir tout ce qui a été tourné.
Avec un peu de chance, ils auront les scènes coupées. C'est très bien. C'était un bon film que j'ai apprécié. Personnellement, je trouve que c'est l'un des meilleurs rôles de Matthew. Il s'est vraiment approprié le rôle et a fait un boulot incroyable. Brad Furman, le réalisateur, est quelqu'un de fantastique avec qui travailler. Il a été patient, compréhensif et à l'écouter des idées et opinions. C'était génial.
Vous avez joué dans pas mal d'autres films. L'un d'eux est Drive, qui a reçu un bon accueil au festival de Cannes.
Je ne l'ai pas encore vu. J'ai pris grand plaisir à le tourner. Le réalisateur Nicolas Refn est quelqu'un d'incroyablement ouvert. Je suis allé chez lui à plusieurs reprises. J'ai rencontré Ryan Gosling, Albert Brooks et notre scénariste Hossein Amini. On a discuté, échangé nos idées, et on en a mis en pratique certaines en les répétant. Beaucoup ont d'ailleurs fini dans le film. Tout le monde a été très impliqué de bout en bout. Il se trouve que le film a été bien reçu et j'en suis heureux. Encore une fois, quand j'y repense, je suis juste très chanceux. Je me dis : "Super, c'était un choix parfait !" J'étais ravi d'être disponible et qu'ils me demandent. J'ai eu un super rôle. J'ai pu créer ce personnage et son apparence. Il avait une jambe blessée, donc je devais porter une attelle. J'ai eu du mal à m'y habituer. Mon personnage, Shannon, était irascible. Je me suis régalé à le jouer et j'ai adoré travailler avec Ryan.
Le tournage de Breaking Bad terminé, vous allez jouer dans Total Recall et vous êtes aussi annoncé pour figurer dans Rock of Ages. Comment s'annoncent les six prochains mois ?
À l'heure actuelle, ce sont les deux projets qui sont sûrs. Je fais une apparition dans Rock of Ages. J'ai eu une bonne discussion avec le réalisateur Adam Shankman. Le portait qu'il m'a fait du film était si alléchant que j'ai dit oui. Et de jouer le mari de Catherine Zeta-Jones… Ça m'a beaucoup flatté. Je me suis dit : "Vraiment ? Allez, ça a l'air sympa." C'est la même chose pour Larry Crowne, avec Tom Hanks et Julia Roberts, où je joue le mari de celle-ci. J'étais très nerveux à ce propos parce que je tournais alors la troisième saison de Breaking Bad et j'ai reçu un appel de Tom, auquel j'ai dit : "Tom, il faut que je te dise. En ce moment, je ressemble plus à son père qu'à son mari." Il m'a répondu : "Tes cheveux vont repousser. Tout ira bien." J'ai évidemment passé un agréable moment sur le tournage de ce film, mais j'étais nerveux. Donc je me suis remis en forme, au mieux possible. J'ai utilisé de l'auto-bronzant. J'ai fait blanchir mes dents. J'ai laissé pousser mes cheveux et je les ai soigneusement coiffés. Je voulais avoir l'air le plus jeune possible pour que les gens ne se disent pas en regardant le film : "Quand est-ce qu'il s'est mis avec elle ? Comment c'est possible ?" Je voulais qu'ils pensent : "D'accord, je peux comprendre." J'espère que le pari est réussi.
Passons à Total Recall. Comment votre personnage de Cohaagen est-il par rapport au personnage du film original ?
J'ai pris une approche différente, comme vous verrez. Mon approche, c'est que je tiens au personnage de Hauser, l'homme que je connaissais avant que sa mémoire soit effacée. C'est mon protégé et j'aime ce gosse. Pour moi, le retrouver et le capturer, c'est pour contenir un adolescent indiscipliné. Je n'ai aucune intention de lui faire du mal sur le long terme, mais il faut le punir. Il pète un plomb. Je dois le trouver et lui donner de l'amour avec fermeté. C'est mon but. Je l'aime et je veux le protéger à tout prix, et il me provoque. Il est difficile, comme tout adolescent. C'est mon approche, contrairement à celle du "Je veux le voir mort !" Je veux qu'il soit vivant et quand on arrive au point où ce n'est peut-être plus possible, ça me brise le coeur.
Ce remake semble prometteur. Le casting est hallucinant.
Il va être génial. J'adore le nouveau scénario et je pense que vous l'aimerez également. Je le pense vraiment.
Propos recueillis le Mercredi 1er juin 2011 pour Collider.com

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