Revue de presse

"Malcolm in the middle" – La petite maison dans la banlieue

Une série principalement animée par un gamin d'une dizaine d'années, voilà qui n'augure rien de bon. Erreur, car "Malcolm in the middle" porte un regard unique, à la fois affectueux et corrosif, sur l'Amérique des classes moyennes.

Couverture de © Ciné Live
Couverture de "Ciné Live" (juin 2001).

Information

Cet article a été écrit par Marc Toullec et publié dans Ciné Live | N°47 | Juin 2001 | P. 156 à 157.
Par respect envers les auteurs, nous avons conservé grammaire, syntaxe, orthographe, conjugaison, typographie et ponctuation des textes de l'article original.



Que "Malcolm in the middle" obtienne un tel succès à la télévision américaine n'est pas le fruit du hasard. C'est une sitcom formidable dont le projet avait de quoi rebuter au départ. Une série familiale, quoi de plus banal ? Quoi de plus banal également que cette famille qui se compose d'un couple et de quatre enfants, tous des garçons ? Tout pour sombrer dans le marigot des pensifs et du conformisme le plus étriqué, surtout que le héros est un gamin, Malcolm, 9 ans, bavard impénitent, doté d'un Q.I. de 160 et qui fréquente une classe pour surdoués. Ce qui ne l'empêche pas de mener l'existence normale d'un gosse de son âge. Normale, vraiment ? Pas tout à fait, car sa famille, les Wilkerson, présente toutes les caractéristiques d'une communauté d'excentriques, de doux dingues attachants parce que totalement déconnectés.
Chez les Wilkerson, il y a d'abord la mère, Loïs, grande gueule qui soupçonne en permanence sa marmaille de préparer un nouveau mauvais coup ou d'en dissimuler un autre. Pas pudique pour un sou (elle se promène les seins nus dans l'appartement), Loïs prend mensuellement la mesure de la pilosité de son mari, Hal. Tondeuse à la main, elle le tond littéralement de la tête aux pieds tandis qu'il lit le journal. Hal justement, un distrait, pyromane à force de bourdes. Le genre désinvolte, fraternisant avec un "Monsieur pipi" dans les toilettes d'un grand restaurant. Un brave type aussi, passablement ahuri, pour lequel seul compte la chaleur du foyer.
Francis est le frère aîné. Une tête brûlée inscrite d'autorité dans une académie militaire à la suite d'une impressionnante collection de gaffes. Pas méchant, mais irrésistiblement attiré par les ennuis et jamais avare de conseils pour ses frères. Arrivent ensuite Reese (qui passe son temps à accuser Malcolm de ses propres bêtises) et le petit dernier, Dewey, une espèce de souriceau régulièrement saucissonné par ses frangins.

D'une petite maison à l'autre

C'est dans l'imaginaire de Linwood Boomer, un quadra canadien, que naît "Malcolm in the middle" à la fin des années 90. Acteur dans la version 1978/81 de "La petite maison dans la prairie", Linwood Boomer est un forcené des séries télé. Surtout connu pour sa collaboration à "Troisième planète après le soleil", un cas de science-fiction comique, il se distingue d'abord avec "Night court", portrait d'un juge pour le moins original. Après quoi il passe à l'éphémère "Flying Blind" (les déboires sentimentaux d'un introverti amoureux d'une fille extravertie) et à "Townies" (trois jeunes serveuses dans un restaurant de la Nouvelle-Angleterre). Sa dernière création en date : la série animée "God, the Devil & Bob". Linwood Carter produit "Malcolm in the middle" au sein d'une firme relativement jeune, Monarchy Entreprises. Surtout active dans le domaine du cinéma, cette société accuse évidemment quelques flops (surtout Sunchaser de Michael Cimino et Empire Records, avec Liv Tyler), mais ses succès font pencher la balance du bon côté : Heat, L.A. Confidential, Négociateur, le remake des Ailes du désir avec Nicolas Cage… Joli palmarès pour une structure qui mise principalement sur l'innovation et la prise de risques.
Des risques, il y en avait pourtant à produire "Malcolm in the middle". Car même si la nouvelle série de Linwood Boomer évoque "Parker Lewis", "Les années coup de cœur" et "Mariés, deux enfants", elle reste unique en son genre à refaire le portrait de la classe moyenne américaine par l'intermédiaire des Wilkerson et du regard inquisiteur de Malcolm. Espiègle, intelligent, critique, à la fois indulgent et féroce dans ses jugements, celui-ci est le chœur antique de ses petites aventures. Toujours prompt à s'adresser à la caméra, il ne rate jamais une remarque piquante sur le comportement des adultes et des autres enfants. Des interventions qui donnent tout son sel à une série volontiers satirique, jamais tarte quand elle décrit une bande de gosses répartis en deux camps à l'école. D'un côté les normalement bêtes, de l'autre les têtes d'ampoule, les supérieurement intelligents réunis dans une classe spéciale. Que les uns soient régulièrement passés à tabac par les autres constitue l'une des péripéties récurrentes d'une série sans complaisance aucune. Les parents cherchent toujours à se déresponsabiliser, les enfants les poussent à la faute, la mère préfère cuisiner ses gosses par tous les moyens plutôt que de soupçonner son mari de l'incendie de sa belle robe d'anniversaire jetée dans la cuvette des WC, et le père place à des hauteurs stratosphériques en tirant sur sa pipe…

Frankie les yeux bleus

Déprimant, comme bilan ? Pas du tout. Pas le genre de Linwood Boomer, un sociologue toujours très joyeux quand il s'agit d'épingler les bavures de ses contemporains, de saisir les carences éducatives du système ou de chercher la petite bête. Qu'il trouve généralement, y compris dans l'observation ironique du rituel du repas familial.
La réussite de "Malcolm in the middle", il la doit bien sûr à un pool de scénaristes chevronnés, à des réalisateurs rompus à l'exercice de la sitcom, mais également à des acteurs épatants. Notamment Jane Kaczmarek (régulière de "La vie à cinq", de "Frasier" et de "The practice") dans le rôle de la mère, Bryan Crantson, remarquable d'indolence dans celui du père, et surtout Frankie Muniz, à qui il revient le redoutable honneur d'incarner Malcolm. Déjà remarqué dans deux épisodes de "Spin City" et dans le film Mon chien Skip, le môme Frankie rompt radicalement avec la tradition des bons petits Américains bouffis de popcorn, insupportables d'un point de vue européen. A la série, il apporte non seulement sa fraîcheur, une frimousse impayable et deux grands yeux bleus, mais surtout l'intelligence d'un comédien conscient de son personnage et de ce qu'il véhicule. En l'occurrence un regard mi-tendre mi-vachard sur une Amérique qui, ravie de cette psychanalyse sans haine, l'a adopté au point de vouloir renouveler son bail sur les écrans le plus longtemps possible. Mal barré car, âgé de 14 ans au moment des tournages, Frankie Muniz pousse à vue d'œil !

Série Club - Chaque lundi à 20h40 à partir du 11 juin - 16 épisodes - VF

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