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EXCLUSIF. Emy Coligado : "C'est dans Malcolm que j'ai appris à jouer la comédie"

L'interprète de Piama revient avec Malcolm France sur son expérience dans la série.

Avant même Jamie, c'était le premier ajout surprise à la famille de Malcolm. Piama n'a plus jamais quitté les rangs des personnages secondaires hauts en couleur dès lors qu'elle est apparue dans la saison 3, aux bras de Francis. Piquante et caractérielle, elle l'a suivi dans ses aventures folles de l'Alaska jusqu'au Texas tout en ne manquant pas de faire de la résistance face à sa belle-mère Lois. Ce rôle mémorable qu'elle a habité durant 28 épisodes au total était pourtant l'une des premières expériences pour son interprète, l'actrice Emy Coligado, aujourd'hui 49 ans et une carrière bien remplie au théâtre et à la télévision, qui a accepté de revenir pour Malcolm France sur ses premiers pas à la télévision dans Malcolm, et de nous parler de ses derniers projets.

Commençons par le début. Comment avez-vous décroché le rôle de Piama ?
J'ai eu le rôle d'une manière qui n'est pas très palpitante : mon agent m'a envoyé l'audition, j'y suis allée, et j'ai décroché le rôle. Tout ça grâce à mon agent.
Et comment s'est passée votre première journée de tournage ?
Je me souviens d'être arrivée, et d'être allée à la rencontre de la première personne venue, qui se trouvait être la doublure de Dewey. Je lui ai dit : "Je suis Emy, l'une des nouvelles actrices. Tu sais où je dois aller ?" Il m'a répondu : "Tu vas adorer être ici. Ce plateau, c'est une famille. Linwood Boomer a crée un super environnement de travail." Et c'était vrai. Chaque jour, on sentait que tout le monde s'aimait ou se détestait, tout comme une famille ! [rires] C'était un endroit génial où travailler. Mais c'était aussi très angoissant. La série était un gros carton. Jane Kaczmarek [l'interprète de Lois] avait déjà été nommée à plusieurs reprises pour un Emmy Award. Ma grande scène avec elle, où on entre en confrontation, était l'une des premières que j'aie tournée. J'étais tellement nerveuse, et elle a été si accueillante et gentille, elle a tout fait pour que je me sente à l'aise. Oui, j'étais très nerveuse et j'étais nouvelle dans le milieu. Malcolm, c'est là où j'ai appris comment jouer la comédie pour la télévision, car c'est très différent du théâtre.

"J'étais embauchée pour trois épisodes. À chacun des suivants, c'était la cerise sur le gâteau."

Emy Coligado à Malcolm France
Effectivement, vous avez eu de nombreuses scènes mémorables avec Jane Kaczmarek, comment était-ce d'échanger la réplique avec elle ?
Encore une fois, j'étais tellement nerveuse de travailler avec une si grande actrice. Pour cette scène de face-à-face, j'ai passé deux semaines à travailler dessus. Jane Kaczmarek, elle, est une actrice très expérimentée. Dans les loges, elle m'a lancé : "Quelle scène on fait ensemble aujourd'hui ?" Je n'en revenais pas, elle était tellement décontractée. C'était un moment énorme pour moi, mais pour elle, c'était un jour comme un autre. Elle a mémorisé toutes ses répliques pour la scène sur-le-champ, dans la loge. Elle est dotée d'une telle intelligence et vivacité d'esprit qu'elle peut mémoriser très rapidement, c'est impressionnant.
Elle vous a laissé une sacré impression !
Jane m'invitait à venir l'écouter lorsqu'elle donnait des interviews. Elle savait que j'étais nouvelle dans ce milieu, et j'ai trouvé ça très généreux de sa part, de faire en sorte que je puisse écouter et apprendre d'elle. Je lui en suis très reconnaissante.
Vous parliez de votre jour d'arrivée, mais comment se déroulait une journée plus typique de tournage ?
Les journées n'étaient jamais les mêmes, elles étaient toujours différentes. Parfois, on tournait dans les studios, et d'autres, on tournait en extérieur, que ce soit dans une maison, ou dehors à la campagne, par exemple pour les scènes au ranch d'Otto. Donc il n'y avait pas de journée typique, ce qui les rend toutes plus exaltantes.
Piama était-elle prévue comme un personnage récurrent dès le départ ? Mine de rien, elle apparaît de la saison 3 à la fin de la série.
J'avais été embauchée pour faire trois épisodes à la base, cinq tout au plus. Je savais que ces trois premiers épisodes étaient un test pour voir comment j'allais me débrouiller, ainsi que comment le personnage allait s'intégrer à l'histoire. Quand je suis revenue pour les quatrième et cinquième épisodes, j'étais tellement contente. Et puis, quand je suis revenue pour les saisons suivantes, de la saison 4 à 7, c'était à chaque fois la cerise sur le gâteau. J'ignorais pour combien d'épisodes Piama reviendrait chaque année, car ils ne pouvaient pas me dire ce qu'ils allaient faire de mon personnage. Je suis reconnaissante d'avoir été présente cinq saisons durant.
Et comment avez-vous vécu le changement régulier de cadre ? Au début, on vous trouve en Alaska, puis au ranch, et vous finissez par avoir davantage de scènes avec la famille sur les dernières saisons.
En réalité, bien qu’on ait l’impression de changer totalement de décor, on restait au même endroit. On changeait juste le décor du plateau. Pour les acteurs, c’était simple, puisqu’on travaillait toujours au même endroit. Chaque cadre de vie était sympa à sa manière, mais j’ai particulièrement aimé le ranch d’Otto car j’y travaillais aux côtés de Meagan Fay, qui joue Gretchen. Elle était gentille et drôle, et c’était une personne très agréable avec qui travailler.
Un épisode, une scène préféré(s) ?
Pour moi, c'est le premier épisode où je suis apparue [NDLR : saison 3, épisode 15, "La grosse surprise !"]. C'était un véritable défi. De pouvoir entrer en conflit avec Lois, c'était un régal. C'est une attitude que je n'aurais jamais adopté en vrai, alors de pouvoir prétendre être comme ça, c'était très enrichissant.

"Linwood Boomer avait un sens du comique incroyable."

Emy Coligado à Malcolm France
Le couple que Piama forme avec Francis est assez unique, dans le sens où les scénaristes n’ont pas utilisé certaines facilités de scénario : ainsi, il n’est jamais question d’infidélité ou de mensonges. Comment avez-vous ressenti le fait de jouer ce type de couple aussi sain aux côtés de Christopher Masterson ?
Je ne suis pas certaine que leur couple était sain. Si je me souviens bien, Piama a tué l'oiseau de Lavernia ! [rires] Ça n'a rien de sain ou d'équilibré. Mais effectivement, il n'y avait pas de tromperie ou de mensonges entre eux, et j'appréciais le fait que Piama soit tant loyale et protectrice avec Francis. C'était beau.
Twentieth Century Fox Film Corporation

Christopher Masterson (Francis) et Emy Coligado (Piama Tananahaakna) dans "Mes beaux sapins" (saison 5, épisode 7).

Des années après la fin de la série, les fans sont encore très présents et la série est loin d’être oubliée : conventions de fans, rediffusions permanentes, présence sur les plateformes VOD. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Linwood Boomer, le créateur, a basé la série sur sa propre famille. Le petit Malcolm en est son incarnation. Il avait une vision très précise, et un sens du comique incroyable. Pour moi, c'est pour ça que ça parle encore aux gens. Les gens s'identifient toujours à la série aussi car elle parle de famille. Peu importe qui regarde la série, que ce soit au Mexique ou en France, tout le monde peut s'y retrouver car cela reste une famille, certes dysfonctionnelle, mais aimante.
On parle aussi beaucoup de donner une suite à Malcolm. Seriez-vous partante, et que pensez-vous qu'il est arrivé au personnage de Piama depuis tout ce temps ?
Il y a des rumeurs de suite depuis longtemps, mais elles ne se sont jamais concrétisées. Pour être honnête, j’en serais la dernière informée. Mais je serais très contente qu’il y ait une suite. Pour ce qui est de l’avenir de Piama, elle et Francis seraient toujours mariés, ils auraient un enfant appelé Walter White, qui grandirait et se mettrait à la production d’amphétamines. [rires]

"J'espère que le mouvement Black Lives Matter fera changer les choses plus vite pour les acteurs de couleur."

Emy Coligado à Malcolm France
Vous êtes à l'affiche de deux nouveaux films, The Girl Who Left Home et The Catch, et vous allez apparaître dans une nouvelle série, Run the World. Dites-nous en plus.
Run the World est une nouvelle série qui sera diffusée sur Starz. Je la comparerais à un Sex & the City qui a lieu à Harlem. On y suit quatre belles femmes noires. J'ai hâte de voir la série, même si je n'ai qu'un petit rôle dans l'épisode pilote. The Catch est un film qui sera présenté au festival du film d'Austin. C'est un thriller à suspense. Ça a été un challenge pour moi, car j'ai pour habitude de jouer la comédie, et il s'agit d'un drame. J'ai très hâte de voir le résultat final. Et pour suivre le film sur Instagram, c'est sur @TheCatch_film.
Sans oublier votre dernier projet en date, The Girl Who Left Home.
Oui, ce film est très spécial pour moi, car il s'agit d'un film musical américano-philippin. J'ai commencé ma carrière au théâtre, dans des comédies musicales, pour ensuite jouer dans des films pour la télévision. Là, j'ai pu réunir les deux : chanter et jouer la comédie. Il est aussi particulièrement important à mes yeux car il s'agit d'une histoire philipino-américaine. C'est la première fois que j'incarne un premier rôle qui a été écrit expressément pour une femme philippine. Ça fait longtemps que je suis dans le milieu, et je n'aurais pas cru qu'il faille attendre si longtemps pour pouvoir enfin incarner un personnage principal d'origine philippine. J'espère que les gens soutiendront notre film. Sur Intagram, il y a plus d'infos sur @GirlWhoLeftHome. C'est certainement la meilleure expérience que j'ai jamais pu avoir dans un téléfilm.
Nanay Ko Production

Emy Coligado sur le tournage du film The Girl Who Left Home.

Cela semble être un projet extrêmement personnel et intime pour vous.
Sur le tournage de The Girl Who Left Home, j'étais tellement heureuse. Et j'ai réalisé que mon bonheur venait du fait de pouvoir incarner un rôle principal d'origine philippine. Je suis dans le métier depuis 1993, et c'est la première fois que j'ai eu cette opportunité. C'est la première fois où j'ai senti que je pouvais occuper la scène et l'espace, et être moi-même. Je n'ai pas eu à effacer l'accent philippin, je n'ai pas eu à me faire petite. Le réalisateur m'a laissée libre d'improviser. C'est le rôle le plus gratifiant que j'ai interprété depuis mon arrivée dans le show-business.
À ce propos, avez-vous l'impression que les choses changent pour les acteurs non-Blancs à Hollywood ?
Oui et non. Certes, les choses vont mieux qu'il y a vingt ans, mais elles devraient être tellement mieux ! Ça stagne trop. Quand le film Crazy Rich Asians est sorti au cinéma [en 2018], j'étais très enthousiaste, mais ce film raconte l'histoire d'Asiatiques de l'est. Je suis philippine, on est du sud-est. Les Asiatiques de l'est et du sud-est n'ont pas le sentiment d'appartenir au même groupe. Quand je vois des auditions qui demandent une actrice asiatique, je me demande s'ils veulent uniquement des Asiatiques de l'est, ou s'ils sont ouverts à tous types d'Asiatiques. Pour moi, les choses ont un peu changé, mais doivent changer bien plus. J'espère qu'avec le mouvement Black Lives Matter, les choses changeront plus vite. Ce changement doit venir des gens d'en haut, à savoir les producteurs et scénaristes. Il faut que les gens de couleur soient représentés en haut de la chaîne. Si ça ne change pas au sommet, ça ne sera pas le cas sur les écrans.

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