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EXCLUSIF. Michael Glouberman : « C’était tout un art d’écrire pour Malcolm »

Scénariste de la série pendant l'ensemble des sept saisons de Malcolm, Michael Glouberman revient pour Malcolm France sur son expérience.

Michael Glouberman, l'un des scénaristes de © DR
Michael Glouberman, l'un des scénaristes de "Malcolm".

Co-producteur exécutif pendant l’ensemble des sept saisons de Malcolm, Michael Glouberman a fait partie intégrante de l’équipe créative : il était au cœur de la fameuse Writers’ Room (la salle d’écriture), et cela de la conception de la série jusqu’à son dénouement. En outre du travail de supervision créative, Glouberman a également lui-même écrit pas moins de 23 épisodes de Malcolm. C’est à lui qu’on doit un bon nombre de pétage de plombs de Hal, personnage pour lequel il aimait particulièrement écrire, où encore la toute dernière scène de la série où Lois fait son discours poignant à Malcolm. Il s’est livré à Malcolm France sur cette expérience fondatrice dans sa carrière et nous a offert quelques anecdotes sur le processus créatif de la série.

Malcolm France : Pouvez-vous nous raconter comment vous vous êtes retrouvé parmi les scénaristes de la série ?
Michael Glouberman : Je venais de passer quatre ans en tant que scénariste sur 3ème Planète après le Soleil, et je cherchais quelque chose de différent. J’ai rencontré Tracy Katsky, qui était cadre chez New Regency, une petite compagnie de production. Elle encensait un nouveau pilote qu’ils étaient en train de développer. C’est là qu’elle m’a donné le script de Malcolm, et j’étais captivé : c’était intelligent, drôle, et complètement différent de toute autre chose que j’ai pu lire. J’ai dit à mon agent qu’il fallait que je travaille pour cette série.
Quel était le procédé créatif de l’écriture d’un épisode ?
On avait environ douze scénaristes. On se retrouvait dans la salle d’écriture, et on puisait dans nos enfances respectives à la recherche d’histoires. Une fois qu’il y en avait une qu’on aimait, on imaginait toutes les étapes de l’histoire en remplissant trois énormes tableaux blancs avec des blagues, scènes et dialogues incroyablement détaillés. De là, on se relayait pour que l’un d’entre nous transforme soixante pages de notes en un scénario de trente pages. J’écrivais pour ma part trois ou quatre épisodes par saison.
Et combien de temps aviez-vous pour écrire les épisodes ?
Ça nous prenait environ deux semaines pour détailler l’histoire en groupe. Une fois que l’on avait réuni les notes, l’un de nous avait généralement une semaine seul pour écrire le scénario. Ce dernier était ensuite revu par l’équipe, ce qui générait de nouvelles notes, menant alors sur une deuxième ébauche. Le scénario revenait enfin une dernière fois dans la salle d’écriture pour quelques dernières blagues et quelques réajustements.
Comment expliquez-vous la recette unique de l’écriture Malcolm, qui a très peu d’équivalent dans le paysage audiovisuel ?
La plupart des comédies possèdent deux voire trois histoires par épisode. Nous en avions autour de six. Il y avait tout un tas de choses qui se passait dans chaque scène. C’était tout un art extrêmement complexe de tout assembler. Nous devions souvent nous débarrasser d’une histoire entière en cours de route parce qu’il n’y avait pas assez de place.

« On a eu beaucoup de chance au niveau du timing : la Fox nous a laissé faire ce qu’on voulait. »

Michael Glouberman à Malcolm France
Comment se décide le développement d’un personnage dans un sens ou dans un autre ? Est-ce un processus très réfléchi et prévu bien à l’avance, ou plus spontané ? Exemple : décider que Reese est un génie de la cuisine, ou que Dewey est un génie de la musique ?
Quand une série dure sept saisons, il faut trouver de nouvelles facettes intéressantes aux personnages, sinon les choses deviennent très répétitives. Lorsqu’une nouvelle saison débutait, on prenait généralement quelques jours pour discuter de comment les personnages pourraient évoluer et grandir, tout en restant fidèles à ce qu’ils étaient.
En parlant de rester fidèle, quelle est la part d’influence du diffuseur dans l’écriture ? La Fox a-t-elle déjà censuré des scènes ou des répliques ?
On a eu beaucoup de chance au niveau du timing. Lors de son lancement, la série a rassemblé une audience folle. C’était juste avant qu’un nouveau président arrive chez Fox, et ce dernier s’est dit : « on ne touche pas à une formule qui marche ». Dans l’ensemble, ils nous ont laissé faire ce qu’on voulait.
Mais y a-t-il des sujets sur lesquels vous vous êtes autocensurés, ou bien où vous n’avez pas eu envie d’aller ?
On ne voulait pas traiter de sujets d’actualité ou de politique. La série vivait dans son propre monde, et ça aurait paru inepte. De plus, contrairement à beaucoup de séries, on n’avait pas pour objectif que chaque épisode contienne un genre de message ou de morale. On visait juste à faire plaisir.
Et du côté des acteurs, à quel degré ont-ils influencé l’écriture et l’évolution de leur personnage ?
Ça n’a pas vraiment été le cas. Au début, Bryan et Jane avaient quelques remarques et suggestions, mais Linwood Boomer, qui adaptait la série à partir de sa propre enfance, avait des idées bien précises pour ses personnages.
DR

Le créateur Linwood Boomer, les scénaristes et producteurs Maggie Bandur, Gary Murphy et Matthew Carlson sur le tournage de l’épisode « Chance et malchance » (saison 5, épisode 17).

Puisqu’on parle d’un certain destin aux personnages, comment est venue la décision de diminuer le rôle de Francis dans les dernières saisons ?
Je ne m’en souviens plus très bien. Au début de la série, nous avions besoin des histoires de Francis car les acteurs mineurs ne sont autorisés à filmer qu’un nombre d’heures bien précis. Ainsi, avoir des scènes à l’école militaire ou en Alaska facilitait grandement les choses. C’est peut-être dû au fait que Francis était le personnage le plus compliqué auquel trouver des histoires, bien que les aventures totalement folles en Alaska ou au ranch étaient toujours marrantes à écrire.

« J’ai ressenti une immense responsabilité à être la personne chargée d’écrire le tout dernier épisode. »

Michael Glouberman à Malcolm France
Comment avez-vous appréhendé le dénouement de la série ? Était-ce une évidence ou a-t-il fallu beaucoup réfléchir au sort des personnages ?
Linwood est revenu filmer le dernier épisode. Il avait bien réfléchi à comment dire au revoir à chaque personnage, et nous avons passé beaucoup de temps en salle d’écriture à mettre cela en place. J’ai ressenti une immense responsabilité à être la personne chargée d’écrire le tout dernier épisode.
Twentieth Century Fox Film Corporation

James & Lukas Rodriguez (Jamie), Erik Per Sullivan (Dewey), Frankie Muniz (Malcolm), Justin Berfield (Reese) et David Anthony Higgins (Craig Feldspar) dans « Malcolm président » (saison 7, épisode 22), le dernier épisode de la série.

Justement, quelle était la part de Linwood Boomer dans le processus créatif de la dernière saison, à partir du moment où il n’a plus été en charge de diriger l’écriture ?
La deuxième semaine de la dernière saison, il est arrivé dans la salle d’écriture et nous a dit qu’il arrêtait. Il s’était tué à la tâche en travaillant non-stop pendant six ans, et il avait promis à sa femme (qui était maintenant Tracy Katsky !) qu’il ferait une pause. Dès qu’il est sorti de la pièce, nous avons exhumé toutes les histoires qu’il trouvait trop déjantées ou qu’il n’aimait pas, et on les a presque toutes utilisées. Et voilà comment Dewey a envoyé Reese en Chine par la poste !
Avec le recul, si vous deviez changer quelque chose, ce serait quoi ? Une évolution de personnage ? Une intrigue que vous referiez autrement ?
Je ne doute pas qu’il y avait énormément de choses dont je n’étais pas fou à l’époque. Mais, avec le recul, je ne vois aucune histoire ou évolution de personnage qui me semble totalement ratée. Je ne dis pas que la série était parfaite, mais je ne le démens pas non plus !
Qu’est-ce ce que vous avez gardé de l’expérience Malcolm dans votre écriture aujourd’hui ?
J’ai énormément appris lorsque j’écrivais pour cette série. Comment écrire intelligemment, comment rester véritable à un personnage, comment entremêler plusieurs histoires de façon cohérente. J’ai aussi compris l’importance du montage et comment quelques fractions de secondes seulement peuvent gâcher une blague ou la rendre plus drôle.
Êtes-vous toujours en contact avec vos collègues de la série ?
Absolument. Je suis resté très bon ami avec de nombreux scénaristes, et nous nous retrouvons régulièrement pour dîner. J’ai également retravaillé avec Jane sur une autre série, et j’étais le scénariste-en-chef pour Les jeunes aventuriers, une série Amazon que Bryan a créée.
Frankie Muniz a évoqué le scénario d’un film à l’état de projet : en savez-vous plus ?
Je sais que le sujet est sur la table. Tous les gens concernés adoreraient réunir toute l’équipe. Ça serait génial de voir comment nos personnages ont grandi et où ils ont fini. Mais est-il vraiment possible de recréer la magie d’antan ? Je serais ravi de tenter le coup.
Erik Per Sullivan s’est fait très discret depuis la fin de la série. Pensez-vous que l’acteur pourrait reprendre son rôle dans une éventuelle suite à la série ?
Je n’ai pas vu Erik depuis très, très longtemps. Mais ce serait intéressant de voir ce qu’est devenu Dewey en tant qu’adulte, et pourquoi pas en tant que parent.
Quelle est votre scène préférée ?
Je rigole tout le temps en revoyant la scène où Hal, qui pense parler à ses enfants qui dorment dans leur lit, leur dit combien il les aime. En réalité, Malcolm et Reese sont sortis en douce, et Hal s’adresse à un ballon et à un masque de clown. Et là, lorsque Hal caresse ce qu’il pense être la tête de Malcolm, le ballon éclate, et Hal pète un câble.

« On formait une grande famille, et j’ignore si je pourrai à nouveau vivre cela. »

Michael Glouberman à Malcolm France
Et votre épisode préféré ?
Pour moi, un épisode qui n’a pas le mérite qui lui revient est « Hal démissionne », où Hal quitte son boulot pour peindre l’œuvre qu’il a en tête depuis des années.
Twentieth Century Fox Film Corporation

Jane Kaczmarek (Lois) et Bryan Cranston (Hal) dans « Hal démissionne » (saison 2, épisode 14).

Avez-vous gardé des objets de la série ?
Chez moi dans mon bureau, il y a la pancarte « Malcolm Writers’ Room » [« Salle d’écriture de Malcolm », NDLR] sur la porte.
Finalement, quel a été votre meilleur souvenir sur toute cette expérience ?
En toute honnêteté, ça a été sept années de beaux souvenirs. Les acteurs, les scénaristes, l’équipe technique… on formait une grande famille, et j’ignore si je pourrai à nouveau vivre cela.
De nouveaux projets en vue ?
Je suis actuellement co-producteur exécutif sur une série de CBS, The Neighborhood.

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