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Jane Kaczmarek : "La plus grande arme d'une mère de famille, c'est de dire non !"
La maman iconique de Malcolm a accordé une interview exceptionnelle à Malcolm France lors du Paris Manga & Sci-Fi Show.
Un vent d’amour, de tendresse et de nostalgie a soufflé sur le Paris Manga, le 16 et le 17 mars derniers, au Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte. Les visiteurs fans de Malcolm, de tous âges, qui se sont succédé à notre micro, parfois émus aux larmes, étaient unanimes pour qualifier celle qui, pendant plus de sept saisons, entre 2000 et 2007, aura incarné Lois, la mère tyrannique de Malcolm et l’une des mamans les plus iconiques du petit écran : "adorable", "sympathique", "hyper agréable", "très avenante", "super cool", "trop gentille". Une véritable maman poule, qui assume d’avoir été la principale figure maternelle de fiction de beaucoup d’entre nous, et ravie de rencontrer plusieurs de ses "enfants" par procuration. Et la plupart d’entre eux encore tout surpris et bouleversés d’avoir reçu un câlin spontané de l’actrice, très accessible, généreuse, causante et à l’écoute, bienveillante et affectueuse avec ses fans, venus nombreux et parfois de loin pour la rencontrer, conscients du caractère assez unique et inédit de l’événement.
En marge des conférences et autres séances de dédicace qui l’auront occupée deux jours durant, nous avons pu nous entretenir longuement avec Jane Kaczmarek. Et, à notre tour, nous avons pu faire exactement le même constat. On s’en voudrait presque d’avoir détesté (ou adoré détester) son personnage pendant tant d’années, à travers les épisodes multi-rediffusés de la série, mettant à l’honneur son sens de la discipline et du châtiment (mais aussi, à plusieurs reprise, son sens aigu de l’intégrité). On se retrouve finalement face à une femme pétillante, espiègle, ravissante, extrêmement généreuse en confidences et en anecdotes. Et on est mis face à une évidence : celle d’avoir juste été mystifiés tout ce temps par le talent d’une remarquable actrice de composition, qui a su parfaitement embrasser un rôle de toute évidence si loin de sa véritable personnalité. C'est à cela que l’on reconnaît les grands interprètes.
C’est la première fois que l’actrice s’exprime autant sur la série, et cela a été un véritable festival d’anecdotes, de secrets de tournage, de révélations inédites, et même : des nouvelles d’Erik Per Sullivan, le jeune interprète de Dewey. On vous dit tout ici !
"Je n'ai jamais fait cela auparavant !"
Échange de bon procédé, nous avons demandé à l’intéressée en personne ce que cela lui faisait de rencontrer des fans à une convention. Elle a d’abord fait une précision importante qui nous donnerait des envies de chanter "cocorico" : c’était sa première fois dans une convention et sa première rencontre "officielle" avec le public français de la série.
"Je n'ai jamais fait cela auparavant. Je n’ai jamais été invitée à ce type d'événements. Et je suis tellement flattée. Malcolm a été une partie très, très, très important de ma vie, pendant sept ans. J’étais enceinte de mon fils, George, lorsque j’ai tourné la saison 1. Et ensuite, j’étais enceinte de ma fille, Mary Louisa, en 2002, pendant le tournage de la saison 4."
Super maman toujours, l'actrice nous a confié que si elle était de passage à Paris, c’était aussi pour des raisons tout à fait personnelles et on ne peut plus maternelles : elle rendait visite à sa fille, Mary Louisa, âgée de 22 ans, qui étudie à Sciences Po, dans le Ve arrondissement.
"Ma fille Mary Louisa est actuellement ici, à Sciences Po, alors je me suis dit, c’est l’occasion de vous rencontrer tous."
La fille de Jane Kaczmarek, nous l’avons tous bien connue… en tout cas nous l’avons vue grandir dans le ventre de sa maman, puisque c’est bien d’elle dont l’actrice était enceinte lors de la saison 4 (tournée en 2002). Détail qui avait été intégré à l’intrigue et qui avait entraîné l’apparition du petit dernier de la famille, Jamie, à partir de la saison 5. Et voilà que quelques années plus tard, le véritable bébé de Lois est devenue étudiante à Paris.
Extrêmement flattée et profondément touchée — son émotion est palpable — qu’on l’invite à un tel événement, presque étonnée de l’intérêt et de l’admiration qu’elle suscite, Jane Kaczmarek n’avait pas conscience du succès de la série en France. Lors de ses quelques visites à Paris, elle a été très surprise de constater que les français connaissaient si bien la série. Elle raconte qu'une fois, dans un magasin, prise d’un envie pressante, le personnel qui l’avait reconnue lui a donné libre accès aux toilettes privées de l’établissement. Une distinction qui ne trompe pas, comme elle se prend à en plaisanter !
Bryan Cranston : un acteur au poil pour Hal
Si on en croit Jane Kaczmarek, elle aurait pu ne jamais rencontrer Bryan Cranston, qui allait pourtant incarner à ses côtés, Hal, son époux fantasque à l’écran. L’actrice nous raconte ce fait peu connu, qu’à quelques jours à peine du début de tournage de la série, alors qu’elle était déjà engagée pour le rôle de Lois, l’équipe cherchait encore son Hal… désespérément. Un seul critère alors : casting réservé à des hommes très grands et costauds uniquement (Hal devait donc être un géant ?). Mais aucun candidat ne faisait l’affaire. Quand ils ont finalement vu Bryan Cranston, cela a été comme une évidence : c’était lui. Et peu importe s’il avait une taille normale. Ce détail devint accessoire et fut vite oublié. Le talent de l’acteur prodige s’est imposé de lui-même.
"Ils étaient partis sur l’idée d’un homme très grand pour jouer Hal. Et ils ont auditionné, encore et encore. Ils n’arrivaient pas à trouver, alors qu’on était prêts à tourner le jour suivant. Alors ils ont décidé d’ouvrir le casting à des hommes de taille normale. Bryan était l’un d’entre eux. Il n’y avait pas grand-chose à faire pour lui dans le pilote. Mais vous savez, Bryan est tellement doué, il a dû faire quelque chose de spécial dans son audition, et ils ont dit : c’est lui, c’est notre homme."
On se souvient tous de la toute première apparition de Hal dans le pilote de la série, avec cette fameuse scène où Lois rase le corps anormalement velu de son mari, lisant son journal dans le plus simple appareil et sans le moindre complexe au milieu de la cuisine. Encore hilare et très amusée par la situation, Jane nous en dit plus sur les coulisses de cette improbable première journée de tournage :
"La première fois que j’ai rencontré Bryan, c’était pour la scène du pilote où je lui rasais le corps. On ne s’était pas croisés avant ce premier jour sur le plateau. Il est arrivé en peignoir, qu’il a aussitôt enlevé, et il était recouvert de poils de yack qu’ils avaient collé partout sur lui, et il avait juste un petit quelque chose pour couvrir ses parties intimes. Et il a juste dit "Salut tout le monde !" Sacrée façon de se présenter à l’équipe de tournage !"
Un yack ?! On sait maintenant de quel anim-Hal le père de Malcolm est le lointain cousin !
Plus savoureux encore, et là où l’actrice nous livre un véritable petit scoop de backstage digne des commentaires audios DVD les plus croustillants : le dos hirsute qu’on la voit raser à coup de tondeuse en gros plan n’est en fait pas celui de Bryan Cranston !
"On avait besoin d’un gros plan en insert du dos de Hal, et on ne pouvait pas utiliser celui de Bryan à cause de la colle. Alors les membres de l’équipe se sont adressés aux chauffeurs baraqués qui étaient dans les parages, et leur ont demandé : "Qui veut se faire cent dollars ?" Alors plusieurs d’entre eux se sont présentés et ont enlevé leur t-shirt. Et ils ont choisi le plus poilu. Je repense souvent à ce qui a dû se passer quand il est rentré chez lui le soir, et que sa femme lui a demandé : "Chéri… qu’est-ce qui est arrivé au milieu de ton dos ?""
"La série était écrite à la perfection. Pas de place pour l'improvisation"
Tout cela pourrait porter à penser que la série laissait une grande marge d’improvisation, de liberté et de créativité pour les acteurs. Il n’en est rien, et Jane Kaczmarek a vite fait de nous détromper à ce sujet. Elle se souvient que dès la première saison, c’est neuf épisodes qui étaient déjà écrits et peaufinés à la virgule près. Des scripts écrits au cordeau sous la supervision du créateur et showrunner, Linwood Boomer, dont Jane célèbre le génie. Oui, le génie, car elle insiste sur le fait que Malcolm… c’est lui. Comme Malcolm, Linwood Boomer était une tête d’ampoule, un enfant surdoué, ayant grandi dans une famille excentrique. C’est en véritable chef d’orchestre qu’il a mené la série à la note près, avec le sens du rythme et du contre-point humoristique que l’on connaît.
"Linwood Boomer était un enfant vraiment, vraiment très brillant, élève surdoué dans une famille de dingues, exactement pareil que Malcolm. Linwood a été cet enfant, et il avait donc une idée très, très précise de qui était cette famille. Cela n’avait rien à voir avec toutes les autres sitcoms. C’était parfaitement écrit, et on n’avait pas notre mot à dire. Et c’était très bien comme ça. C’était une série si rigoureuse dans son écriture, les scénaristes avaient déjà neuf scénarios prêts à tourner, il me semble, ce qui était très inhabituel. Mais Linwood et ses scénaristes avaient vraiment bossé les scripts, ils avaient réfléchi chaque ligne. Je pense que c’est pour que la série a eu un tel succès. Il y avait un véritable ton, et ce ton s’est maintenu tout du long, les réalisateurs ne procédaient à aucun changement, c’était toujours très similaire."
L’actrice avoue qu’il a pu lui arriver de vouloir faire une proposition de jeu ou de composition sur le tournage, et qu’elle a toujours reçu la même réponse : "non". Comme souvent, les projets les plus fous et les plus fantasques en apparence, cachent en réalité une machine bien huilée et sont paradoxalement les plus rigoureux.
"Cloris Leachman avait ce grain de folie, du genre à débarquer avec une valise remplie de jambon"
Une autre interprète de la série qui a eu davantage de mal à se plier à cette discipline stricte d’un scénario et d’une mise en scène millimétrées, c’est Cloris Leachman, alias grand-mère Ida, la mère de Lois. Quand on l’interroge sur l’actrice disparue en 2021 à l’âge de 94 ans, Jane Kaczmarek exprime toute son admiration pour celle qui, comme elle le rappelle était déjà une véritable légende du petit et du grand écran à l’époque, pour le public américain. Elle se souvient toutefois que la doyenne du tournage était d’une grande humilité, mais aussi débordante de créativité et d’idées, presqu’aussi fofolle que son personnage, et faisait de nombreuses suggestions plus inspirées et loufoques les unes que les autres pour pimenter ses scènes, se heurtant toujours aux mêmes réponses : Non. Pas le temps. Il faut être précis. Aller "vite" (Jane Kaczmarek prononce ce seul mot dans un français cristallin).
"Je l’ai toujours admirée. Elle était l’héroïne d’une série incroyablement populaire quand j’étais adolescente, et elle a même eu son propre spin-off. Elle a aussi gagné un Oscar pour le film La Dernière séance. Donc elle était vraiment très, très connue aux États-Unis. Et elle avait ce grain de folie, cette énergie. Et à propos de cette rigueur très cadrée dans laquelle on tournait : elle avait toujours des idées improbables, comme par exemple d’arriver avec une valise remplie de jambon. Mais l’équipe lui disait toujours qu’il n’y avait pas le temps, qu’elle devait venir avec ses répliques bien mémorisées. Sur un film, vous avez davantage de temps. Elle était tellement créative, c’était difficile pour elle de venir et juste lâcher sa réplique."
L'art du contrechamp
On en viendrait à penser qu’il y a peu de choses cocasses à raconter sur un tournage aussi maîtrisé. Pourtant, quand on demande à Jane Kaczmarek si elle a une anecdote amusante, elle pense aussitôt à ce détail récurrent tout au long du tournage, et qui tient du véritable secret de fabrication : la loi étant très stricte en matière de travail des jeunes acteurs mineurs, les enfants ne pouvaient pas rester trop longtemps sur le plateau. Il fallait donc en priorité tourner leurs scènes et leurs plans, et les libérer rapidement. Restait alors à tourner… tout le reste : les scènes et les plans des adultes. Et c’est ainsi que, pour des scènes de dialogues, elle raconte qu’ils avaient l’habitude de rendre la réplique à des membres de l’équipe qui interprétaient les enfants de la fratrie dans les contre-champs.
"Comme les enfants devaient quitter le plateau de tournage assez tôt, ils étaient remplacés par des adultes faisant la taille des enfants. Il fallait donner la réplique à un type barbu. C'était toujours étrange pour nous de devoir faire ça avec des doublures."
"J'ai toujours adoré Lois"
Les enfants, particulièrement turbulents et redoublant d’inventivité pour les bêtises, auront mis les nerfs de Lois a rude épreuve tout au long de la série, transformant plusieurs fois les épisodes en véritable duels psychologiques avec cette mère omnisciente, longtemps perçue comme hystérique et despotique, mais sur laquelle les regards se font de plus en plus empathiques, attendis et compatissants, à une époque de prise de conscience sur la charge mentale souvent mal répartie dans les couples, et pesant principalement sur des mères de famille au bout du rouleau. Lorsque l’on montre à Jane Kaczmarek une petite compilation des grands moments de Lois, l’actrice, aussi amusée qu’émue, s’exclame : "C’est génial de revoir tout ça. Quand je vais rentrer chez moi, il faut vraiment que je revoie ma série !"
Elle poursuit en exprimant toute son affection et sa sympathie pour le personnage qu’elle a incarné pendant sept saisons :
"J’ai toujours adoré Lois. Je dois dire que j’ai moi-même grandi dans une famille qui était plutôt stricte. Ça filait droit."
Lorsqu’on l’interroge plus spécifiquement sur les principes d’éducation radicaux et peu orthodoxes de Lois, Jane Kaczmarek, entre bienveillance et dérision vis-à-vis de son personnage, donne une réponse toute en nuance, nourrie de son vécu d’enfant et de son expérience de mère :
"Il y avait cet épisode où Lois ne sait pas faire du vélo et apprend à en faire avec Reese. Et il se moquait d’elle. On est dans une rue, et je lui plaque la tête contre le sol près de morceaux de verre en lui interdisant de répéter à qui que ce soit. J’ai pensé que c’était un peu… je ne pense pas que j’aurais collé la tête de mon enfant sur des débris de verre ! Je n’ai jamais fait des choses aussi extrêmes en tant que mère. Mais je pense que l’une des plus grandes armes d’une mère, c’est de savoir dire non. Je ne sais pas comment c’est pour vous ici, mais aux États-Unis, les parents sont devenus beaucoup trop laxistes avec leurs enfants."
Elle poursuit avec un exemple évoquant une autre série de la Fox justement considérée bien souvent comme "cousine" de Malcolm :
"J’ai doublé un personnage dans Les Simpson pendant un moment, et la prod m’envoyait des produits dérivés de la série. Je n’ai jamais laissé mes enfants regarder Les Simpson, parce que je trouvais qu’ils étaient tellement irrespectueux. Il y avait la figurine d’un personnage nommé Krusty le Clown, et quand on tirait la ficelle dans son dos, il disait : "Toi, mon vieux, t'es qu'un idiot". Et mes enfants étaient en train de se promener avec, et j’ai dit "Donnez-moi ça ! Pas de ça ici ! On ne dit pas aux adultes qu’ils sont idiots !" J’avais une réplique : "La moitié du temps, si on ne crie pas, les gens n’écoutent rien." J’avais aussi créé une sorte de système avec les chaussures où, pour prendre une nouvelle paire, il fallait d’abord ramener l'autre paire, et comme ça, ça évitait qu’ils laissent trainer leurs chaussures partout dans la maison. J'ai su être inventive, côté discipline !"
"Erik Per Sullivan va très bien"
Parmi les cinq enfants de la famille menée d’une poigne de fer souvent sans gant de velours par Lois, un en particulier a souvent été le chouchou des téléspectateurs, aussi bien dans les premières saisons pour sa mignonnerie narquoise que dans les dernières pour sa spiritualité et sa sensibilité : Dewey, incarné par Erik Per Sullivan. L’acteur ayant complètement disparu des écrans, aussi bien télé que radars, après la fin de la série, ce qui aura alimenté toutes sortes de rumeurs parfois loufoques, qui de mieux que sa maman (de fiction) pour nous renseigner sur lui. Nous avons donc demandé à Jane Kaczmarek ce que devenait le jeune homme aujourd’hui âgé de 32 ans (de rien, pour le coup de vieux) :
"Erik va très, très bien. Il a joué dans Malcolm pendant des années, il avait 7 ans au début et 14 ans à la fin. Il n’était pas intéressé par une carrière d’acteur. Il est allé dans une très prestigieuse université américaine, sur laquelle il nous a demandé de rester discrets. C’est un passionné de Charles Dickens, et il travaille sur la littérature victorienne. Je l’admire car je pense que pour beaucoup de gens, être dans le show business est la plus grande chose au monde."
Confirmation qu’Erik Per Sullivan avait créé quelque chose de très spécial avec le personnage de Dewey, Jane Kaczmarek se souvient que lorsque Linwood Boomer ne savait pas quoi faire au montage, c’est toujours avec Dewey qu’il trouvait de la matière et la meilleure solution au problème. Dewey, une valeur sûre. Dewey, Président !
"Je pense que c’est un garçon vraiment plein de talent, et Dewey était si aimé du public, c’était un véritable enfant mascotte. Linwood Boomer, le créateur de la série, disait que quand ils étaient en montage d’un épisode et ne savaient pas quoi faire, il savait qu’il pouvait juste ajouter un plan sur Dewey et que cela allait fonctionner, car il y avait toujours quelque chose d’incroyable qui se passait avec cet enfant."
Comme quoi ! La tête d’ampoule de la famille n’était pas celui que le scénario désignait. Et ce n’est pas vers la musique, mais vers la littérature que s’illustre finalement le petit préféré du public, sur lequel tout le monde peut donc se rassurer : nous ne nous attendions à rien, mais nous n’avons pas été déçus !
"Meryl Streep a insisté pour que je donne une gifle à Robert de Niro"
C’est une émotion très touchante et contagieuse qui submerge Jane Kaczmarek lorsqu’on lui tend… son œuvre. Sa carrière, imprimée sur plusieurs pages, un recensement de tous les films et toutes les séries dans lesquels elle est apparue au cours de ses quarante ans de carrière. Émue, elle semble réaliser le chemin parcouru, et c’est une farandole de souvenirs et d’anecdotes que cela libère en elle. Le premier mot qui lui vient, spontanément, est "very lucky".
Elle revient sur ses débuts, en remontant jusqu’à sa formation d’actrice dans la Yale School of Drama, où elle a appris l’art du théâtre et de la comédie à la fin des années 70.
Elle se souvient du tournant qu’a pris sa vie quand son agent l’a fait venir à Los Angeles, au début des années 80. Elle évoque ses tous premiers rôles à la télévision, dans la série The Paper Chase :
"Je suis allée à la Yale School of drama, and j’ai joué dans plus de 30 pièces en trois ans. J’ai été très chanceuse. J’avais un agent qui m’a amenée à Los Angeles, en 1982. Et alors je n’ai fait que de la télévision, et le théâtre me manquait alors je suis repartie à New York et j’ai joué au théâtre. J’ai eu beaucoup de chance. Il y avait une série appelée The Paper Chase, que j’avais toujours adorée. C’était à propos de gens brillants à la Fac de Droit de Harvard, et je jouais cette fille hyper intelligente. Et c’était difficile, car il fallait sortir des répliques avec du jargon juridique. Mais j’ai adoré faire ça, et je me sentais comme à la maison."
Ou encore Capitaine Furillo. Un feuilleton policier où son personnage a fini par être tué brutalement… d’un commun accord avec le showrunner, pour la rendre disponible pour une offre de rôle qu’elle ne pouvait pas refuser. Et pour cause, un film avec, en tête d’affiche, deux des plus grands acteurs du cinéma américain, Meryl Streep et Robert De Niro, où elle devait incarner l’épouse de ce dernier : Falling in Love (1984).
Et de préciser :
"Capitaine Furillo était une série qui cartonnait, et c’était probablement la première série policière réaliste où il y avait ce ballet incessant de gens qui allaient et venaient dans le décor, ouvraient et claquaient les portes. Mais j’ai décroché ce rôle dans un film avec Meryl Streep et Robert de Niro, où je devais jouer sa femme. Donc je suis allée voir celui qui dirigeait Capitaine Furillo, et je lui dis : "Tu sais, tu vas devoir me tuer dans la série, car il y a ce film que je voudrais faire." Et il me répond : "Pourquoi on se contenterait pas de te tirer dessus, et on te met dans le coma pendant un mois à l’hôpital, le temps que tu tournes ton film, et tu reviens." Et j’ai répondu : "Eh bien, non, dorénavant je vais tourner dans des films. Je vais travailler avec Meryl Streep et Robert De Niro." Meryl Streep venait de faire Le Choix de Sophie, et Robert De Niro venait de faire Raging Bull, et j’étais cette gamine tellement exaltée. Le showrunner a dit "OK, on va te buter". Ma mère avait l’habitude de regarder Capitaine Furillo, à son club de bridge de Milwaukee chaque jeudi soir en mangeant une tarte au citron meringuée. Et je ne lui avais pas dit que j’allais me faire tuer cette semaine là. Et je me suis fait engueuler par ma mère, qui me disait que j’aurais dû la prévenir, que tout son club de bridge était bouleversé de me voir me prendre une balle dans la tête pendant qu’ils mangeaient tous une tarte du citron."
Le film (qui a été diffusé il y a quelque temps sur la chaine Arte) n’a pas été le succès escompté, comme le reconnaît Jane Kaczmarek, sans amertume. Elle en garde un excellent souvenir, attendri et reconnaissant, entre autres pour l’attitude très protectrice et bienveillante de Meryl Streep envers elle sur le tournage.
"Falling in Love n’a pas eu de succès du tout, mais j’ai passé un moment merveilleux. J’étais mariée à Robert De Niro, et il me quittait pour Meryl Streep. C’était une expérience mémorable, et j’étais fier de mon travail dedans. Et à l’époque, on n’avait pas de téléphones portables (mon Dieu, je suis vieille !), donc pour visionner les rushes, il fallait se rendre dans une salle de projection à New York. Meryl Streep s’asseyait juste derrière moi. J’étais dans tous mes états et j’hyper-ventilais à chaque fois que j’étais à proximité de cette femme. J’étais en admiration devant elle. Et à chaque fois, elle me tapotait l’épaule, et me disait : "Tu vois là, ce que tu fais, c’est la bonne prise, c’est celle qu’ils vont garder, c’est vraiment bon." Elle était tellement encourageante et une vraie mentor pour moi."
Une Meryl Streep toujours de bon conseil. Comme la fois où, grâce à l’intervention de l’actrice multi-oscarisée, Jane Kaczmarek a eu l’opportunité… de gifler Robert De Niro !
"Il y a cette scène où je découvre que Robert De Niro a été infidèle. Je le gifle autour de la table de la cuisine. On était en train de tourner la scène, et Robert De Niro a dit au réalisateur : "Je ne pense pas qu’elle devrait me gifler." Et le réalisateur a dit : "OK, Bobby, OK." Donc on a fait la scène sans gifle. On est en train de regarder ça, et Meryl me tape l’épaule et elle me dit "Il faut que tu le gifles. Si tu ne le fais pas, ton personnage n’a aucun sens. On doit voir à quel point tu es blessée par sa trahison." Alors j’ai sorti "OK, Meryl, merci". J’allais rentrer à Los Angeles, et là j’apprends que Meryl est allée voir le réalisateur en personne pour lui dire que je devais donner cette gifle, et qu’il fallait retourner ma scène. Ce genre de générosité pour une autre actrice, mais aussi son investissement dans la conception d’un film et les personnages, cela n’a fait que renforcer mon admiration pour elle."
Petite anecdote de la rédaction : saviez-vous que Jane Kaczmarek a été la maman de Spider-Man ? Non ? Bon, OK, on triche un peu. En fait, elle a joué la maman du tout jeune Tobey Maguire (interprète culte du Spider-Man de Sam Raimy, en 2002, 2004 et 2007), dans le film Plaisantville de Gary Ross en 1998, soit quatre ans avant qu’il endosse le costume de l’homme-araignée.
Le mot de la fin
Vous souhaitez retrouver Jane Kaczmarek dans un contenu plus récent ? C’est elle en personne qui vous recommande la série The Changeling, une saison de neuf épisodes, tout juste parue en 2023 sur la plateforme Apple TV.
"The Changeling a été une vraie déception. Pas la série en elle-même, mais il y a eu la grève des acteurs et donc on a pu faire aucune promo ou publicité. Ce personnage, Cal, dans la série, c’est un véritable nouveau départ et une rupture avec tout ce que les gens imaginent de moi."
Mais les derniers mots de Jane Kaczmarek à notre micro, ils ont été pour le public et les fans, qu’elle a tenu à saluer dans un mélange d’anglais et de français :
"Mon cœur est beaucoup… full of Parisians and Français."
Le moindre que l’on puisse dire, au regard des réactions des visiteurs dans les allées du salon, c’est que cela aura été réciproque.
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