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Archives de l'auteur Alexandre Gennevois
Un vent d’amour, de tendresse et de nostalgie a soufflé sur le Paris Manga, le 16 et le 17 mars derniers, au Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte. Les visiteurs fans de Malcolm, de tous âges, qui se sont succédé à notre micro, parfois émus aux larmes, étaient unanimes pour qualifier celle qui, pendant plus de sept saisons, entre 2000 et 2007, aura incarné Lois, la mère tyrannique de Malcolm et l’une des mamans les plus iconiques du petit écran : "adorable", "sympathique", "hyper agréable", "très avenante", "super cool", "trop gentille". Une véritable maman poule, qui assume d’avoir été la principale figure maternelle de fiction de beaucoup d’entre nous, et ravie de rencontrer plusieurs de ses "enfants" par procuration. Et la plupart d’entre eux encore tout surpris et bouleversés d’avoir reçu un câlin spontané de l’actrice, très accessible, généreuse, causante et à l’écoute, bienveillante et affectueuse avec ses fans, venus nombreux et parfois de loin pour la rencontrer, conscients du caractère assez unique et inédit de l’événement.
En marge des conférences et autres séances de dédicace qui l’auront occupée deux jours durant, nous avons pu nous entretenir longuement avec Jane Kaczmarek. Et, à notre tour, nous avons pu faire exactement le même constat. On s’en voudrait presque d’avoir détesté (ou adoré détester) son personnage pendant tant d’années, à travers les épisodes multi-rediffusés de la série, mettant à l’honneur son sens de la discipline et du châtiment (mais aussi, à plusieurs reprise, son sens aigu de l’intégrité). On se retrouve finalement face à une femme pétillante, espiègle, ravissante, extrêmement généreuse en confidences et en anecdotes. Et on est mis face à une évidence : celle d’avoir juste été mystifiés tout ce temps par le talent d’une remarquable actrice de composition, qui a su parfaitement embrasser un rôle de toute évidence si loin de sa véritable personnalité. C'est à cela que l’on reconnaît les grands interprètes.
C’est la première fois que l’actrice s’exprime autant sur la série, et cela a été un véritable festival d’anecdotes, de secrets de tournage, de révélations inédites, et même : des nouvelles d’Erik Per Sullivan, le jeune interprète de Dewey. On vous dit tout ici !
"Je n'ai jamais fait cela auparavant !"
Échange de bon procédé, nous avons demandé à l’intéressée en personne ce que cela lui faisait de rencontrer des fans à une convention. Elle a d’abord fait une précision importante qui nous donnerait des envies de chanter "cocorico" : c’était sa première fois dans une convention et sa première rencontre "officielle" avec le public français de la série.
"Je n'ai jamais fait cela auparavant. Je n’ai jamais été invitée à ce type d'événements. Et je suis tellement flattée. Malcolm a été une partie très, très, très important de ma vie, pendant sept ans. J’étais enceinte de mon fils, George, lorsque j’ai tourné la saison 1. Et ensuite, j’étais enceinte de ma fille, Mary Louisa, en 2002, pendant le tournage de la saison 4."
Super maman toujours, l'actrice nous a confié que si elle était de passage à Paris, c’était aussi pour des raisons tout à fait personnelles et on ne peut plus maternelles : elle rendait visite à sa fille, Mary Louisa, âgée de 22 ans, qui étudie à Sciences Po, dans le Ve arrondissement.
"Ma fille Mary Louisa est actuellement ici, à Sciences Po, alors je me suis dit, c’est l’occasion de vous rencontrer tous."
La fille de Jane Kaczmarek, nous l’avons tous bien connue… en tout cas nous l’avons vue grandir dans le ventre de sa maman, puisque c’est bien d’elle dont l’actrice était enceinte lors de la saison 4 (tournée en 2002). Détail qui avait été intégré à l’intrigue et qui avait entraîné l’apparition du petit dernier de la famille, Jamie, à partir de la saison 5. Et voilà que quelques années plus tard, le véritable bébé de Lois est devenue étudiante à Paris.
Extrêmement flattée et profondément touchée — son émotion est palpable — qu’on l’invite à un tel événement, presque étonnée de l’intérêt et de l’admiration qu’elle suscite, Jane Kaczmarek n’avait pas conscience du succès de la série en France. Lors de ses quelques visites à Paris, elle a été très surprise de constater que les français connaissaient si bien la série. Elle raconte qu'une fois, dans un magasin, prise d’un envie pressante, le personnel qui l’avait reconnue lui a donné libre accès aux toilettes privées de l’établissement. Une distinction qui ne trompe pas, comme elle se prend à en plaisanter !
Bryan Cranston : un acteur au poil pour Hal
Si on en croit Jane Kaczmarek, elle aurait pu ne jamais rencontrer Bryan Cranston, qui allait pourtant incarner à ses côtés, Hal, son époux fantasque à l’écran. L’actrice nous raconte ce fait peu connu, qu’à quelques jours à peine du début de tournage de la série, alors qu’elle était déjà engagée pour le rôle de Lois, l’équipe cherchait encore son Hal… désespérément. Un seul critère alors : casting réservé à des hommes très grands et costauds uniquement (Hal devait donc être un géant ?). Mais aucun candidat ne faisait l’affaire. Quand ils ont finalement vu Bryan Cranston, cela a été comme une évidence : c’était lui. Et peu importe s’il avait une taille normale. Ce détail devint accessoire et fut vite oublié. Le talent de l’acteur prodige s’est imposé de lui-même.
"Ils étaient partis sur l’idée d’un homme très grand pour jouer Hal. Et ils ont auditionné, encore et encore. Ils n’arrivaient pas à trouver, alors qu’on était prêts à tourner le jour suivant. Alors ils ont décidé d’ouvrir le casting à des hommes de taille normale. Bryan était l’un d’entre eux. Il n’y avait pas grand-chose à faire pour lui dans le pilote. Mais vous savez, Bryan est tellement doué, il a dû faire quelque chose de spécial dans son audition, et ils ont dit : c’est lui, c’est notre homme."
On se souvient tous de la toute première apparition de Hal dans le pilote de la série, avec cette fameuse scène où Lois rase le corps anormalement velu de son mari, lisant son journal dans le plus simple appareil et sans le moindre complexe au milieu de la cuisine. Encore hilare et très amusée par la situation, Jane nous en dit plus sur les coulisses de cette improbable première journée de tournage :
"La première fois que j’ai rencontré Bryan, c’était pour la scène du pilote où je lui rasais le corps. On ne s’était pas croisés avant ce premier jour sur le plateau. Il est arrivé en peignoir, qu’il a aussitôt enlevé, et il était recouvert de poils de yack qu’ils avaient collé partout sur lui, et il avait juste un petit quelque chose pour couvrir ses parties intimes. Et il a juste dit "Salut tout le monde !" Sacrée façon de se présenter à l’équipe de tournage !"
Un yack ?! On sait maintenant de quel anim-Hal le père de Malcolm est le lointain cousin !
Plus savoureux encore, et là où l’actrice nous livre un véritable petit scoop de backstage digne des commentaires audios DVD les plus croustillants : le dos hirsute qu’on la voit raser à coup de tondeuse en gros plan n’est en fait pas celui de Bryan Cranston !
"On avait besoin d’un gros plan en insert du dos de Hal, et on ne pouvait pas utiliser celui de Bryan à cause de la colle. Alors les membres de l’équipe se sont adressés aux chauffeurs baraqués qui étaient dans les parages, et leur ont demandé : "Qui veut se faire cent dollars ?" Alors plusieurs d’entre eux se sont présentés et ont enlevé leur t-shirt. Et ils ont choisi le plus poilu. Je repense souvent à ce qui a dû se passer quand il est rentré chez lui le soir, et que sa femme lui a demandé : "Chéri… qu’est-ce qui est arrivé au milieu de ton dos ?""
"La série était écrite à la perfection. Pas de place pour l'improvisation"
Tout cela pourrait porter à penser que la série laissait une grande marge d’improvisation, de liberté et de créativité pour les acteurs. Il n’en est rien, et Jane Kaczmarek a vite fait de nous détromper à ce sujet. Elle se souvient que dès la première saison, c’est neuf épisodes qui étaient déjà écrits et peaufinés à la virgule près. Des scripts écrits au cordeau sous la supervision du créateur et showrunner, Linwood Boomer, dont Jane célèbre le génie. Oui, le génie, car elle insiste sur le fait que Malcolm… c’est lui. Comme Malcolm, Linwood Boomer était une tête d’ampoule, un enfant surdoué, ayant grandi dans une famille excentrique. C’est en véritable chef d’orchestre qu’il a mené la série à la note près, avec le sens du rythme et du contre-point humoristique que l’on connaît.
"Linwood Boomer était un enfant vraiment, vraiment très brillant, élève surdoué dans une famille de dingues, exactement pareil que Malcolm. Linwood a été cet enfant, et il avait donc une idée très, très précise de qui était cette famille. Cela n’avait rien à voir avec toutes les autres sitcoms. C’était parfaitement écrit, et on n’avait pas notre mot à dire. Et c’était très bien comme ça. C’était une série si rigoureuse dans son écriture, les scénaristes avaient déjà neuf scénarios prêts à tourner, il me semble, ce qui était très inhabituel. Mais Linwood et ses scénaristes avaient vraiment bossé les scripts, ils avaient réfléchi chaque ligne. Je pense que c’est pour que la série a eu un tel succès. Il y avait un véritable ton, et ce ton s’est maintenu tout du long, les réalisateurs ne procédaient à aucun changement, c’était toujours très similaire."
L’actrice avoue qu’il a pu lui arriver de vouloir faire une proposition de jeu ou de composition sur le tournage, et qu’elle a toujours reçu la même réponse : "non". Comme souvent, les projets les plus fous et les plus fantasques en apparence, cachent en réalité une machine bien huilée et sont paradoxalement les plus rigoureux.
"Cloris Leachman avait ce grain de folie, du genre à débarquer avec une valise remplie de jambon"
Une autre interprète de la série qui a eu davantage de mal à se plier à cette discipline stricte d’un scénario et d’une mise en scène millimétrées, c’est Cloris Leachman, alias grand-mère Ida, la mère de Lois. Quand on l’interroge sur l’actrice disparue en 2021 à l’âge de 94 ans, Jane Kaczmarek exprime toute son admiration pour celle qui, comme elle le rappelle était déjà une véritable légende du petit et du grand écran à l’époque, pour le public américain. Elle se souvient toutefois que la doyenne du tournage était d’une grande humilité, mais aussi débordante de créativité et d’idées, presqu’aussi fofolle que son personnage, et faisait de nombreuses suggestions plus inspirées et loufoques les unes que les autres pour pimenter ses scènes, se heurtant toujours aux mêmes réponses : Non. Pas le temps. Il faut être précis. Aller "vite" (Jane Kaczmarek prononce ce seul mot dans un français cristallin).
"Je l’ai toujours admirée. Elle était l’héroïne d’une série incroyablement populaire quand j’étais adolescente, et elle a même eu son propre spin-off. Elle a aussi gagné un Oscar pour le film La Dernière séance. Donc elle était vraiment très, très connue aux États-Unis. Et elle avait ce grain de folie, cette énergie. Et à propos de cette rigueur très cadrée dans laquelle on tournait : elle avait toujours des idées improbables, comme par exemple d’arriver avec une valise remplie de jambon. Mais l’équipe lui disait toujours qu’il n’y avait pas le temps, qu’elle devait venir avec ses répliques bien mémorisées. Sur un film, vous avez davantage de temps. Elle était tellement créative, c’était difficile pour elle de venir et juste lâcher sa réplique."
L'art du contrechamp
On en viendrait à penser qu’il y a peu de choses cocasses à raconter sur un tournage aussi maîtrisé. Pourtant, quand on demande à Jane Kaczmarek si elle a une anecdote amusante, elle pense aussitôt à ce détail récurrent tout au long du tournage, et qui tient du véritable secret de fabrication : la loi étant très stricte en matière de travail des jeunes acteurs mineurs, les enfants ne pouvaient pas rester trop longtemps sur le plateau. Il fallait donc en priorité tourner leurs scènes et leurs plans, et les libérer rapidement. Restait alors à tourner… tout le reste : les scènes et les plans des adultes. Et c’est ainsi que, pour des scènes de dialogues, elle raconte qu’ils avaient l’habitude de rendre la réplique à des membres de l’équipe qui interprétaient les enfants de la fratrie dans les contre-champs.
"Comme les enfants devaient quitter le plateau de tournage assez tôt, ils étaient remplacés par des adultes faisant la taille des enfants. Il fallait donner la réplique à un type barbu. C'était toujours étrange pour nous de devoir faire ça avec des doublures."
"J'ai toujours adoré Lois"
Les enfants, particulièrement turbulents et redoublant d’inventivité pour les bêtises, auront mis les nerfs de Lois a rude épreuve tout au long de la série, transformant plusieurs fois les épisodes en véritable duels psychologiques avec cette mère omnisciente, longtemps perçue comme hystérique et despotique, mais sur laquelle les regards se font de plus en plus empathiques, attendis et compatissants, à une époque de prise de conscience sur la charge mentale souvent mal répartie dans les couples, et pesant principalement sur des mères de famille au bout du rouleau. Lorsque l’on montre à Jane Kaczmarek une petite compilation des grands moments de Lois, l’actrice, aussi amusée qu’émue, s’exclame : "C’est génial de revoir tout ça. Quand je vais rentrer chez moi, il faut vraiment que je revoie ma série !"
Elle poursuit en exprimant toute son affection et sa sympathie pour le personnage qu’elle a incarné pendant sept saisons :
"J’ai toujours adoré Lois. Je dois dire que j’ai moi-même grandi dans une famille qui était plutôt stricte. Ça filait droit."
Lorsqu’on l’interroge plus spécifiquement sur les principes d’éducation radicaux et peu orthodoxes de Lois, Jane Kaczmarek, entre bienveillance et dérision vis-à-vis de son personnage, donne une réponse toute en nuance, nourrie de son vécu d’enfant et de son expérience de mère :
"Il y avait cet épisode où Lois ne sait pas faire du vélo et apprend à en faire avec Reese. Et il se moquait d’elle. On est dans une rue, et je lui plaque la tête contre le sol près de morceaux de verre en lui interdisant de répéter à qui que ce soit. J’ai pensé que c’était un peu… je ne pense pas que j’aurais collé la tête de mon enfant sur des débris de verre ! Je n’ai jamais fait des choses aussi extrêmes en tant que mère. Mais je pense que l’une des plus grandes armes d’une mère, c’est de savoir dire non. Je ne sais pas comment c’est pour vous ici, mais aux États-Unis, les parents sont devenus beaucoup trop laxistes avec leurs enfants."
Elle poursuit avec un exemple évoquant une autre série de la Fox justement considérée bien souvent comme "cousine" de Malcolm :
"J’ai doublé un personnage dans Les Simpson pendant un moment, et la prod m’envoyait des produits dérivés de la série. Je n’ai jamais laissé mes enfants regarder Les Simpson, parce que je trouvais qu’ils étaient tellement irrespectueux. Il y avait la figurine d’un personnage nommé Krusty le Clown, et quand on tirait la ficelle dans son dos, il disait : "Toi, mon vieux, t'es qu'un idiot". Et mes enfants étaient en train de se promener avec, et j’ai dit "Donnez-moi ça ! Pas de ça ici ! On ne dit pas aux adultes qu’ils sont idiots !" J’avais une réplique : "La moitié du temps, si on ne crie pas, les gens n’écoutent rien." J’avais aussi créé une sorte de système avec les chaussures où, pour prendre une nouvelle paire, il fallait d’abord ramener l'autre paire, et comme ça, ça évitait qu’ils laissent trainer leurs chaussures partout dans la maison. J'ai su être inventive, côté discipline !"
"Erik Per Sullivan va très bien"
Parmi les cinq enfants de la famille menée d’une poigne de fer souvent sans gant de velours par Lois, un en particulier a souvent été le chouchou des téléspectateurs, aussi bien dans les premières saisons pour sa mignonnerie narquoise que dans les dernières pour sa spiritualité et sa sensibilité : Dewey, incarné par Erik Per Sullivan. L’acteur ayant complètement disparu des écrans, aussi bien télé que radars, après la fin de la série, ce qui aura alimenté toutes sortes de rumeurs parfois loufoques, qui de mieux que sa maman (de fiction) pour nous renseigner sur lui. Nous avons donc demandé à Jane Kaczmarek ce que devenait le jeune homme aujourd’hui âgé de 32 ans (de rien, pour le coup de vieux) :
"Erik va très, très bien. Il a joué dans Malcolm pendant des années, il avait 7 ans au début et 14 ans à la fin. Il n’était pas intéressé par une carrière d’acteur. Il est allé dans une très prestigieuse université américaine, sur laquelle il nous a demandé de rester discrets. C’est un passionné de Charles Dickens, et il travaille sur la littérature victorienne. Je l’admire car je pense que pour beaucoup de gens, être dans le show business est la plus grande chose au monde."
Confirmation qu’Erik Per Sullivan avait créé quelque chose de très spécial avec le personnage de Dewey, Jane Kaczmarek se souvient que lorsque Linwood Boomer ne savait pas quoi faire au montage, c’est toujours avec Dewey qu’il trouvait de la matière et la meilleure solution au problème. Dewey, une valeur sûre. Dewey, Président !
"Je pense que c’est un garçon vraiment plein de talent, et Dewey était si aimé du public, c’était un véritable enfant mascotte. Linwood Boomer, le créateur de la série, disait que quand ils étaient en montage d’un épisode et ne savaient pas quoi faire, il savait qu’il pouvait juste ajouter un plan sur Dewey et que cela allait fonctionner, car il y avait toujours quelque chose d’incroyable qui se passait avec cet enfant."
Comme quoi ! La tête d’ampoule de la famille n’était pas celui que le scénario désignait. Et ce n’est pas vers la musique, mais vers la littérature que s’illustre finalement le petit préféré du public, sur lequel tout le monde peut donc se rassurer : nous ne nous attendions à rien, mais nous n’avons pas été déçus !
"Meryl Streep a insisté pour que je donne une gifle à Robert de Niro"
C’est une émotion très touchante et contagieuse qui submerge Jane Kaczmarek lorsqu’on lui tend… son œuvre. Sa carrière, imprimée sur plusieurs pages, un recensement de tous les films et toutes les séries dans lesquels elle est apparue au cours de ses quarante ans de carrière. Émue, elle semble réaliser le chemin parcouru, et c’est une farandole de souvenirs et d’anecdotes que cela libère en elle. Le premier mot qui lui vient, spontanément, est "very lucky".
Elle revient sur ses débuts, en remontant jusqu’à sa formation d’actrice dans la Yale School of Drama, où elle a appris l’art du théâtre et de la comédie à la fin des années 70.
Elle se souvient du tournant qu’a pris sa vie quand son agent l’a fait venir à Los Angeles, au début des années 80. Elle évoque ses tous premiers rôles à la télévision, dans la série The Paper Chase :
"Je suis allée à la Yale School of drama, and j’ai joué dans plus de 30 pièces en trois ans. J’ai été très chanceuse. J’avais un agent qui m’a amenée à Los Angeles, en 1982. Et alors je n’ai fait que de la télévision, et le théâtre me manquait alors je suis repartie à New York et j’ai joué au théâtre. J’ai eu beaucoup de chance. Il y avait une série appelée The Paper Chase, que j’avais toujours adorée. C’était à propos de gens brillants à la Fac de Droit de Harvard, et je jouais cette fille hyper intelligente. Et c’était difficile, car il fallait sortir des répliques avec du jargon juridique. Mais j’ai adoré faire ça, et je me sentais comme à la maison."
Ou encore Capitaine Furillo. Un feuilleton policier où son personnage a fini par être tué brutalement… d’un commun accord avec le showrunner, pour la rendre disponible pour une offre de rôle qu’elle ne pouvait pas refuser. Et pour cause, un film avec, en tête d’affiche, deux des plus grands acteurs du cinéma américain, Meryl Streep et Robert De Niro, où elle devait incarner l’épouse de ce dernier : Falling in Love (1984).
Et de préciser :
"Capitaine Furillo était une série qui cartonnait, et c’était probablement la première série policière réaliste où il y avait ce ballet incessant de gens qui allaient et venaient dans le décor, ouvraient et claquaient les portes. Mais j’ai décroché ce rôle dans un film avec Meryl Streep et Robert de Niro, où je devais jouer sa femme. Donc je suis allée voir celui qui dirigeait Capitaine Furillo, et je lui dis : "Tu sais, tu vas devoir me tuer dans la série, car il y a ce film que je voudrais faire." Et il me répond : "Pourquoi on se contenterait pas de te tirer dessus, et on te met dans le coma pendant un mois à l’hôpital, le temps que tu tournes ton film, et tu reviens." Et j’ai répondu : "Eh bien, non, dorénavant je vais tourner dans des films. Je vais travailler avec Meryl Streep et Robert De Niro." Meryl Streep venait de faire Le Choix de Sophie, et Robert De Niro venait de faire Raging Bull, et j’étais cette gamine tellement exaltée. Le showrunner a dit "OK, on va te buter". Ma mère avait l’habitude de regarder Capitaine Furillo, à son club de bridge de Milwaukee chaque jeudi soir en mangeant une tarte au citron meringuée. Et je ne lui avais pas dit que j’allais me faire tuer cette semaine là. Et je me suis fait engueuler par ma mère, qui me disait que j’aurais dû la prévenir, que tout son club de bridge était bouleversé de me voir me prendre une balle dans la tête pendant qu’ils mangeaient tous une tarte du citron."
Le film (qui a été diffusé il y a quelque temps sur la chaine Arte) n’a pas été le succès escompté, comme le reconnaît Jane Kaczmarek, sans amertume. Elle en garde un excellent souvenir, attendri et reconnaissant, entre autres pour l’attitude très protectrice et bienveillante de Meryl Streep envers elle sur le tournage.
"Falling in Love n’a pas eu de succès du tout, mais j’ai passé un moment merveilleux. J’étais mariée à Robert De Niro, et il me quittait pour Meryl Streep. C’était une expérience mémorable, et j’étais fier de mon travail dedans. Et à l’époque, on n’avait pas de téléphones portables (mon Dieu, je suis vieille !), donc pour visionner les rushes, il fallait se rendre dans une salle de projection à New York. Meryl Streep s’asseyait juste derrière moi. J’étais dans tous mes états et j’hyper-ventilais à chaque fois que j’étais à proximité de cette femme. J’étais en admiration devant elle. Et à chaque fois, elle me tapotait l’épaule, et me disait : "Tu vois là, ce que tu fais, c’est la bonne prise, c’est celle qu’ils vont garder, c’est vraiment bon." Elle était tellement encourageante et une vraie mentor pour moi."
Une Meryl Streep toujours de bon conseil. Comme la fois où, grâce à l’intervention de l’actrice multi-oscarisée, Jane Kaczmarek a eu l’opportunité… de gifler Robert De Niro !
"Il y a cette scène où je découvre que Robert De Niro a été infidèle. Je le gifle autour de la table de la cuisine. On était en train de tourner la scène, et Robert De Niro a dit au réalisateur : "Je ne pense pas qu’elle devrait me gifler." Et le réalisateur a dit : "OK, Bobby, OK." Donc on a fait la scène sans gifle. On est en train de regarder ça, et Meryl me tape l’épaule et elle me dit "Il faut que tu le gifles. Si tu ne le fais pas, ton personnage n’a aucun sens. On doit voir à quel point tu es blessée par sa trahison." Alors j’ai sorti "OK, Meryl, merci". J’allais rentrer à Los Angeles, et là j’apprends que Meryl est allée voir le réalisateur en personne pour lui dire que je devais donner cette gifle, et qu’il fallait retourner ma scène. Ce genre de générosité pour une autre actrice, mais aussi son investissement dans la conception d’un film et les personnages, cela n’a fait que renforcer mon admiration pour elle."
Petite anecdote de la rédaction : saviez-vous que Jane Kaczmarek a été la maman de Spider-Man ? Non ? Bon, OK, on triche un peu. En fait, elle a joué la maman du tout jeune Tobey Maguire (interprète culte du Spider-Man de Sam Raimy, en 2002, 2004 et 2007), dans le film Plaisantville de Gary Ross en 1998, soit quatre ans avant qu’il endosse le costume de l’homme-araignée.
Le mot de la fin
Vous souhaitez retrouver Jane Kaczmarek dans un contenu plus récent ? C’est elle en personne qui vous recommande la série The Changeling, une saison de neuf épisodes, tout juste parue en 2023 sur la plateforme Apple TV.
"The Changeling a été une vraie déception. Pas la série en elle-même, mais il y a eu la grève des acteurs et donc on a pu faire aucune promo ou publicité. Ce personnage, Cal, dans la série, c’est un véritable nouveau départ et une rupture avec tout ce que les gens imaginent de moi."
Mais les derniers mots de Jane Kaczmarek à notre micro, ils ont été pour le public et les fans, qu’elle a tenu à saluer dans un mélange d’anglais et de français :
"Mon cœur est beaucoup… full of Parisians and Français."
Le moindre que l’on puisse dire, au regard des réactions des visiteurs dans les allées du salon, c’est que cela aura été réciproque.
Notre tête d’ampoule est désormais orphelin de père et de mère. Du moins est-ce le cas concernant les voix françaises de ses parents. Après le décès de Jean-Louis Faure, voix française de Hal, survenu le 27 mars 2022, c’est Marion Game, voix française de Lois, qui s’est éteinte le 24 mars 2023, à peine un an plus tard, presque jour pour jour. Poétique coïncidence de temporalité. Comme si, décidément, le couple mythique de la série culte était inséparable, même par-delà ses interprètes.
Marion Game était nettement plus populaire et célèbre que son acolyte masculin, du moins depuis ces dix dernières années, marquées par son apparition quotidienne dans la série Scènes de Ménages, sur M6, programme court devenu rapidement culte, et où le couple de petits vieux à l’amour vache qu’elle formait à l’écran avec Gérard Hernandez, Huguette et Raymond, faisait la joie des grands mais aussi des petits. En effet, les deux comédiens avaient plusieurs fois confié avoir beaucoup de petits fans, et plusieurs fois leur couple a été cité comme le favori du jeune public. Une véritable explosion de notoriété et de popularité, sur le tard, pour une comédienne longtemps reléguée à l’arrière-plan, dans des seconds rôles, des figurations, des comédies potaches, des doublages mineurs ou des apparitions régulières dans quelques programmes télévisés.
De l'autre côté de la Méditerranée
Marion Game, née Madeleine Game le 31 juillet 1938, voit le jour et grandit à Casablanca, à la fin de l’ère coloniale. Orpheline de père dès ses 9 ans, elle est confiée à des membres de sa famille et se résoudra à quitter son pays natal suite à un attentat dont elle réchappe blessée.
En 1959, à 21 ans, elle épouse Philippe Ledieu, qui sera le père de sa première fille, Virginie. En 1958, après son divorce, à 30 ans, elle s’inscrit aux Cours Simon et entame ainsi son itinéraire de comédienne.
Une comédienne populaire
Malgré de belles distinctions dans sa formation d’actrice, Marion Game va connaître une carrière discrète et parfois difficile. Tout au long des années 70 et 80, elle va tourner autour du monde du petit et du grand écran, sans jamais vraiment s'y imposer, toujours un peu à la marge, multipliant les apparitions, les figurations ou les seconds rôles dans des comédies potaches aux titres aussi fameux que truculents, tels que Les Bidasses en Folie (1971), C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule (1974) ou Mon curé chez les Thailandaises (1983). À noter toutefois sa collaboration avec Jean-Pierre Mocky pour son film L'Albatros (1971), ce qui fait joli dans le CV.
Plus tard, elle pourra compter sur quelques rôles ponctuels dans des séries françaises très suivies, telles que Alice Nevers, le juge est une femme, Boulevard du Palais ou plus récemment Camping Paradis.
Mais c’est évidemment au théâtre qu’elle pourra le plus côtoyer directement le public, à travers de nombreuses pièces jouées tout au long de sa carrière, des années 70 aux années 2010.
Cette carrière longtemps en pointillé aura au moins permis à Marion Game de jouir d’une certaine sérénité et confidentialité quant à sa vie privée, lui laissant la liberté de vivre ses histoires d’amour, dont la plus fameuse et pourtant pas la plus longue, aura été celle avec l’animateur Jacques Martin, dont elle fut la compagne entre 1968 et 1972. C’est par la suite avec le comédien suisse Jacques Verlier qu’elle fera sa vie, et deux autres enfants, ses fils, Romain et Matthieu.
Il était une voix
Comme pour plusieurs autres comédiens un peu boudés des plateaux de tournages ou ayant du mal à gagner correctement leur vie dans le milieu impitoyable et très concurrentiel et fermé du cinéma, Marion Game a très tôt mis ses talents de comédiennes au service d’un métier souvent sous-estimé ou dénigré, et pourtant élevé au rang d’art par un savoir-faire français sans comparaison : le doublage ou post-synchronisation vocale de films étrangers par des comédiens de doublage francophones.
Et c’est dans ce domaine en particulier que Marion Game va connaître certains de ses plus grands succès, dans l’anonymat paradoxal de ces orfèvres de l’ombre, et qu’elle va pouvoir faire la démonstration de son immense talent d’interprétation.
Un travail qu'elle prenait très au sérieux, et qu'elle considérait comme particulièrement difficile, car "il faut savoir s'effacer, s'oublier, derrière le personnage et l'acteur original qui l'interprète." C'est ce qu'elle confiait en 2013 à Nathalie Karsanti dans son émission consacrée au monde du doublage, "Il était une voix", sur YouTube.
Côté doublage de films, Marion Game a commencé dès les années 70 en prêtant sa voix au personnage de Betty dans le cultissime Grease (1979). On ne le sait pas forcément, mais c’est elle qui prête sa voix à la très chère maman de Forrest Gump, interprétée par Sally Field, dans le film éponyme de Robert Zemeckis en 1994. Plus tard, elle double l’actrice Julie Walters (plus connu des potterheads comme interprète de Julie Weasley) dans les films musicaux Mamma Mia!. Parmi les autres films qui ont bénéficié de sa voix, on peut citer Arrête-moi si tu peux (Steven Spielberg, 2003), Lolita malgré moi (2006), Ocean’s Twelve ou encore Mystic River. Elle a même été la voix de Bonnemine, la femme du chef, dans Astérix et les Vikings.
Côté série, son CV est encore plus impressionnant, et on peut dire qu’elle a posé sa voix dans la plupart des principales séries télé entre les années 80 et 2010. Parmi elles, Columbo, Twin Peaks, Une nounou d’enfer, Grey’s Anatomy, Modern Family, The Middle, Desperate Housewives, Friends, Charmed, Beverly Hills, Nip/Tuck, etc.
L'aventure Malcolm
Mais, évidemment, son doublage le plus fameux, cela restera celui du personnage de Lois, "la maman complètement folle" (comme elle la qualifiait elle-même) de Malcolm. Non seulement parce que c’est un rôle principal, qu’elle a dû tenir de façon récurrente et intensive dans près de 120 épisodes sur 7 saisons, mais aussi parce que c’est probablement la plus grande performance d’actrice de sa carrière. Grâce aux possibilités offertes par l’excentricité du personnage original et de la série dans son écriture et sa mise en scène, Marion Game a bénéficié ici d’un terrain de jeu unique et jubilatoire pour déployer toute sa gamme d’émotions, de la colère à la tendresse, en passant par la tristesse et l’hilarité. Lois est une mère plus qu’au bord de la crise de nerfs, une boule d’émotions, qui hurle, qui pleure, qui soupire, qui ricane, qui sait se montrer doucereuse, enjôleuse, sexy mais aussi menaçante, inquiétante, autoritaire, sarcastique ou passive-agressive. Une symphonie d’humeurs et d’envolées sonores dont quelques extraits bien choisis ne peuvent rendre que partiellement compte.
La VF de Malcolm est une réussite qui fait référence, aussi bien dans sa direction artistique, son casting vocal impeccable, des adultes aux enfants, et son adaptation fine et enlevée. Marion Game, en tant que comédienne, fait partie de cette réussite, et elle porte clairement la série avec son acolyte Jean-Louis Faure, doubleur de Hal (Bryan Cranston). Ce dernier évoquait d’ailleurs leur collaboration avec beaucoup de tendresse, d’estime et d’admiration lorsque nous avions eu la chance de le rencontrer. Nous aurions aimé avoir cette même chance concernant Marion Game, et ce n’est pas passé loin, à plusieurs reprises. Entre autres lors de la soirée de lancement de la première saison en DVD (en 2015). Elle s’était désistée en dernière minute, non sans s’excuser avec humilité et auto-dérision, se qualifiant elle-même de "petite vieille qui se couche tôt".
La popularité sur le tard
C’est précisément dans un rôle de "petite vieille qui se couche tôt" que Marion Game aura finalement connu, tardivement, le succès populaire et l’exposition médiatique, grâce à la série quotidienne de M6, Scènes de Ménages, où elle interprète Huguette, en couple depuis plus de 50 ans avec Raymond, interprété par Gérard Hernandez (une vieille connaissance des studios de doublage). Le couple de séniors retraités s’est rapidement distingué comme le plus comique, le plus antipathique et attachant à la fois, grâce à leurs réparties cinglantes, leur mauvais esprit et leurs coups fumants. Ce n’est donc pas si étonnant que, lors de la disparition de Marion Game, le prénom "Huguette" caracolait en Top Trend sur Twitter, car pour beaucoup de gens, elle restera ce personnage qui aura fait partie de leur quotidien pendant plus de 10 ans.
C’est probablement ce mélange paradoxal de notoriété et d’anonymat qui aura inspiré à Marion Game le titre de son autobiographie parue en 2013 : C’est comment votre nom, déjà ?. Question qu’elle a dû entendre bien des fois, quand on ne l’appelait pas simplement "Huguette". Trop peu, hélas, l’auront appelée "Lois" ou auront su quelle immense comédienne de doublage elle a été et la performance extraordinaire qu’elle a livrée pour la maman du petit génie. La série Malcolm lui doit énormément. Et pour cela, elle aura toujours notre admiration, notre reconnaissance et notre respect, elle qui, mamie pour beaucoup d’autres, par sa voix familière, sera toujours un peu notre maman.
Marion Game s’est éteinte le 24 mars 2023, à l’âge de 84 ans, "de vieillesse", selon les mots de sa fille, Virginie. Jusqu’au bout, une grande pudeur et discrétion aura entouré l’état de santé de la comédienne, qui faisait l’objet de certaines rumeurs depuis quelques temps. Son absence à certains événements avait été très remarquée, et laissait imaginer que la santé n’y était plus. Son camarade de jeu, Gérard Hernandez, s’était montré rassurant sans pour autant s’avancer. Ses obsèques auront lieu à Paris, le vendredi 31 mars.
Quand la série Better Call Saul a été lancée en 2015, seulement deux ans après la fin de Breaking Bad, tous les fans avaient la même idée derrière la tête : et si la nouvelle série de Vince Gillighan et de Peter Gould, à la fois spin off et prequel de Breaking Bad, était une occasion de revoir à l'écran Walter White et Jesse Pinkman, respectivement incarnés par Bryan Cranston et Aaron Paul ?
Déjà, rapidement au cours des 6 saisons, nous avons pu retrouver, dans de brefs caméos ou des apparitions récurrentes, des personnages emblématiques tels que Hank Shrader (Dean Norris), Hector Salamanca (Mark Margolis), et bien sûr Mike Erhmantraut (Jonathan Banks) ou encore le glaçant Gustavo Fring (Giancarlo Esposito). C'était sans doute une question de temps avant que les deux protagonistes principaux ne s'invitent dans la série.
Ce qu'en disent les showrunners
C'est désormais officiel : le co-créateur de Better Call Saul, Peter Gould, a confirmé le retour de Bryan Cranston et Jesse Pinkman dans cette sixième et ultime saison. Aux journalistes du magazine Variety, il a précisé :
"Je ne veux pas faire de spoilers au public, mais je dirai juste que la première question que l'on s'est posés quand la série a commencé, c'est : 'Allons-nous revoir Walt et Jesse ?'. Au lieu de faire des détours, je dirai juste : oui. Dans quelles circonstances, c'est ce que vous devrez découvrir par vous-mêmes."
Gould a poursuivi en précisant :
"Ces deux univers se croisent d'une façon que vous n'avez encore jamais vue avant, ça c'est sûr."
Et le créateur de Breaking Bad, Vince Gilligan en personne, d'ajouter, non sans malice :
"Ce serait quand même sacrément dommage que la série s'achève sans une apparition de Bryan Cranston et Aaron Paul, vous croyez pas ?"
On est bien d'accord !
Bob Odenkirk, l'interprète de Saul Goodman, y va de son propre commentaire pour teaser les fans :
"J'ai personnellement la sensation que les deux séries sont plus intimement liées et jumelées que jamais dans cette saison finale. Et je trouve que c'est aussi cool que surprenant. Et cela va vous donner envie de revoir Breaking Bad"
On prend les paris.
En attendant, les 6 premiers épisodes (sur un total de 12) de cette sixième et dernière saison sont à découvrir sur Netflix depuis le 18 avril 2022.
On peut l’entendre en ce moment au cinéma, dans le film phénomène The Batman de Matt Reeves, où il prête sa voix au Commissaire Gordon (Jeffrey Wright). Parmi tant d’autres personnages de films et de série, il a marqué des générations entières en donnant sa voix à Walter White dans Breaking Bad et Hal, le papa de Malcolm, avec en commun un acteur dont il était la VF officielle. Jean-Louis Faure, comédien français particulièrement actif dans le doublage, est décédé, a annoncé Emmanuel Karsen — avec qui il avait collaboré sur la VF de Breaking Bad et El Camino — ce dimanche 27 mars .
Débuts et nombreux rôles dans le doublage
Jean-Louis Faure a fait ses débuts de comédien sur les planches, dans les années 70/80 avec, de son propre aveu, peu de succès. Les rôles étaient rares ou peu lucratifs, et c’est donc d’abord pour (sur)vivre de son métier qu’il a frappé à la porte des studios de doublage, alors pas encore aussi confidentiels et fermés qu’aujourd’hui, à l’âge d’or des VF.
Tout de suite, il a eu du travail, et même des débuts assez insolites, sur lesquels il était revenu avec amusement dans la longue interview qu’il nous avait accordé. Il a en effet eu l’occasion d’être une des toutes premières VF de Arnold Schwarzenegger, en 1980, dans le documentaire Pumping Iron, consacré au culturisme, alors qu’il était encore un acteur méconnu, en devenir, quatre ans avant son rôle emblématique de Terminator en 1984, bien avant que le comédien français Daniel Berreta ne devienne sa célèbre VF officielle. Jean-Louis Faure aura même eu l’occasion de doubler une autre légende, d’un autre âge d’Hollywood, en étant choisi comme voix française de l’acteur Cary Grant dans le nouveau doublage du classique L’impossible Monsieur Bébé de 1938.
C’est à la télévision et dans les séries qu’il a prêté sa voix à divers seconds rôles dans de nombreuses séries, à une époque où la demande est énorme. Tout au long de ses quarante années de carrière, il aura mis son grain de sel (et de voix) dans la plupart des séries les plus populaires, de Smallville à Ally McBeal, de Monk aux Experts, en passant par Esprits Criminels, NCIS et Veronica Mars. À plusieurs reprises, il double des patients dans la série Dr House, entre 2004 et 2012.
Mais plus récemment, dans la nouvelle ère "Netflix / HBO" des séries, bien que la VF ait été de plus en plus boudé par une partie du public au profit de la VO, c’est dans des séries incontournables de ces dernières années telles que Six Feet Under, Game of Thrones, Lucifer, The Good Place que vous n’avez pas pu échapper à sa voix grave, chaude et rassurante. Et bien sûr, parmi elle, celle de Hal, le père excentrique aux mille lubies de la série chère à nos cœurs : Malcolm.
Le tournant Malcolm et Breaking Bad, de Hal à Walter White
La série de Linwood Boomer, en 2000, est un tournant crucial dans la carrière de Jean-Louis : non seulement il hérite d’un rôle récurrent, principal, amené à devenir culte pour des générations de spectateurs au gré des multi-rediffusions, mais aussi : il accède au privilège des plus grands comédiens de doublage, en devenant le VF officielle fixe d’un acteur : Bryan Cranston.
Avec Hal, Jean-Louis Faure révèle tout son talent de comédien, capable de suivre l’acteur virtuose dans tous ses registres et ses délires, capable aussi bien d’exprimer l’émotion d’un papa gâteau à fleur de peau que les crises de nerf d’un époux excentrique et survolté. Cette VF de haute qualité, a clairement beaucoup fait pour rendre le personnage aussi cher, attachant et hilarant pour le public français.
Leurs carrières, celle de l’acteur et celle de son doubleur, ont donc décollé ensemble, en même temps, et leurs destins s’en trouvent ainsi intimement liés. En plus de tous les nombreux films où Cranston est apparu au cours de ces vingt dernières années, c’est dans Breaking Bad, durant 5 saisons entre 2009 et 2013 que Jean-Louis Faure retrouve Cranston, dans le rôle du glaçant Walter White, joignant à la performance de l’acteur celle d’un doubleur passant avec la même facilité déconcertante du registre comique de Malcolm au registre dramatique de la série phénomène et déjà classique de Vince Gillighan.
Des acteurs récurrents
Jean-Louis Faure a toujours exprimé sa gratitude à la directrice artistique Catherine Le Lann de l’avoir choisi, lui, pour doubler Bryan Cranston dès Malcolm. Et c’est avec la même intuition et la même confiance qu’elle lui confie, plus tard, le doublage de l’acteur Ted Denson, d’abord avec son rôle principal dans Les Experts, mais aussi plus récemment avec le rôle principal de Michael dans The Good Place.
Particularité intéressante, Jean-Louis Faure fait partie de ces rares comédiens blancs qui a été le doubleur officiel ou récurrent de plusieurs acteurs afro-américains : déjà Matthew St Patrick, entre autres dans son rôle de Keith, petit ami de David Fisher (Michael C. Hall) dans Six Feet Under ; plus récemment, Woodside D. B. avec son rôle d’Amenadiel dans la série Lucifer ; mais surtout, au cour de ces vingt dernières années, l’acteur Jeffrey Wright dans ses divers rôle, des séries au cinéma, avec entre autres Hunger Games, James Bond et dernièrement le commissaire Gordon, dans The Batman de Matt Reeves.
Gentillesse et simplicité
De sa propre formulation, Jean-Louis Faure assimilait le travail de doublage à du "karaoké", et approchait ce travail avec un mélange d’humilité, de professionnalisme et de passion. Fumeur impénitent, il considérait avec philosophie que cette mauvaise habitude avait permis renforcer sa voix dans des graves intéressantes pour camper les rôles souvent mûrs et viriles qu’il était amené à doubler.
En plus d’un remarquable comédien de doublage au CV vertigineux qui côtoyait et collaborait avec tous les autres plus grands talents du milieu, Jean-Louis Faure était un homme plein de gentillesse, de générosité et de modestie, comme le montrent les nombreuses réactions publiées suite à cette nouvelle, à l'image de celle de Guillaume Orsat, le directeur artistique de la version française de Breaking Bad :
"Mon Jean-Louis, notre Jean-Louis. Une des plus délicieuses et joyeuses rencontres que ce métier m'ait apportée. Un merveilleux partenaire de jeu. Mon Walter White, et pas que. Tu resteras pour toujours dans mes pensées les plus tendres. Va en paix, compagnon."
Donald Reignoux, la voix française de Reese, qui avaient collaboré avec Jean-Louis sur la version française de Malcolm, a lui aussi réagi sur Twitter :
Il apportait une magie sur la voix de Bryan Cranston comme (très) peu arrivent à le faire…
J’admirais son travail sur Breaking Bad qui restera l’une des plus belles VF...
Et que dire de Malcolm…
Tu vas nous manquer Jean Louis Faure 🖤 Repose en paix— Donald Reignoux (@DonaldReignoux) March 27, 2022
La dernière apparition publique de Jean-Louis Faure, c'était le 5 novembre 2021, il y a moins de 5 mois, en direct sur YouTube, dans l'émission "Stream VF" de Donald Reignoux justement, en compagnie de Brice Ournac, soit les trois voix françaises de Hal, Malcolm et Reese réunies sur un même plateau. Jean-Louis Faure apparaissait alors en pleine forme et très décontracté auprès de ses acolytes. Et les fans ne cachaient pas leur joie de découvrir le comédien de doublage d'un des papas les plus aimés de la télévision.
Il y a 5 ans, en septembre 2017, il nous avait accordé une longue interview filmée, en nous accueillant directement chez lui, en toute simplicité, et sans compter son temps. Il nous avait passionnés et beaucoup touchés avec la générosité de ses réponses et de ses confidences sur son métier, pleines de détails, de souvenirs et d’anecdotes. Un véritable professionnel, tout en humilité, presque étonné autant que réjoui de l’enthousiasme que pouvait susciter son travail.
Depuis cet entretien, il avait gardé contact avec notre équipe, nous adressait ses vœux, et se montrait plein de bienveillance pour le site et les fans. Ce n’est donc pas seulement la voix du papa de Malcolm que nous perdons, mais celle d’un de nos papas de télévision, associée à plein de bons souvenirs et de réjouissants moments de vacances et de week-end devant notre série culte.
C’est devenu un véritable marronnier sur les réseaux sociaux ces dernières années. Régulièrement, les internautes sont invités à indiquer leur préférence entre deux sitcoms : Malcolm et Ma famille d’abord. Un débat loin d’être occulte, puisqu’il passionne assez pour faire caracoler à chaque fois les deux séries en top tweet. Mais pourquoi opposer ces séries en particulier ? Quelles sont leurs points communs ? Leurs différences ? Et pouvons-nous enfin les départager ?
Les forces en présence
Avant toute chose, comme pour tout duel qui se respecte, un petit point sur les forces en présence.
À notre gauche, Malcolm (Malcolm in the middle, en VO), série sitcom créée par Linwood Boomer, comptant 151 épisodes de 22 minutes répartis sur 7 saisons. Diffusée initialement sur la chaine américaine FOX, entre janvier 2000 et mai 2006. Diffusée pour la première fois en France en décembre 2001, d’abord par M6, puis multi-rediffusée tout au long de ces dernières années par les chaines du groupe (W9 & 6ter).
À notre droite, Ma famille d’abord (My wife and kids, en VO), série sitcom crée par Damon Wayans (qui y interprète aussi le rôle principal du père, Michael Kyle), comptant 123 épisodes de 22 minutes répartis sur 5 saisons. Diffusée initialement sur la chaine américaine ABC, entre mars 2001 et mai 2005. Diffusée pour la première fois en France en 2003, d’abord sur M6, puis multi-rediffusée tout au long de ces dernières années par les chaines du groupe (W9 & 6ter).
Tant et si peu en commun
Ainsi présentées, les deux séries pourraient effectivement apparaître comme plus ou moins jumelles ou cousines. Mais pour autant, pas plus qu’avec toutes les séries de type sitcom tournant autour d’une famille excentrique dont le groupe M6 a toujours fait une de ses spécialités.
Serait-ce alors la présence conjointe d’un père immature, d’une mère au bord de la crise de nerfs, d’un fils complètement idiot et d’un petit dernier mignon qui suffirait à rendre les séries rivales et si comparable aux yeux de leur public ? Cela tiendrait à peu de choses, et essentiellement à une typologie de personnages somme toute « classique », que seul un traitement original peut distinguer.
Les différences entre les deux séries ? Tout le reste ! Elles n’ont, en réalité, pas grand-chose en commun, au point que les comparer n’a pas vraiment de sens, et s’avère injuste aussi bien pour l’une que pour l’autre.
Décalage social
L’une des différences les plus flagrantes et ayant une influence déterminante sur l’ensemble de leurs intrigues, c’est le niveau social des personnages.
Dans Ma famille d’abord, nous sommes en présence d’une famille d’afro-américains plutôt aisée, de classe moyenne haute : la maison est grande, spacieuse, cosy, correctement équipée, bien entretenue, le père est chef de son entreprise, les enfants ne manquent de rien. On ne fait pas forcément attention à ce détail, car beaucoup de sitcoms familiales ont pris le partie d’installer confortablement leurs protagonistes sans toutefois trop d’ostentation, ce qui a pour effet de simplement faire négliger ce détail aux spectateurs. On est là pour rigoler, et rien de « trop riche » ou « trop pauvre » ne doit ramener la série à des considérations trop sociales, même si bien sûr, les questions de budget ou d’argent sont régulièrement au centre des intrigues. Dans Ma famille d’abord, il y a assez d’argent pour qu’il n’y ait pas trop à y penser.
Malcolm est la première sitcom à avoir, à ce point, mis la pauvreté de la famille en avant. Il s’agit d’un aspect qui va peser sur le destin des personnages tout au long des 7 saisons, qui ne les verra jamais évoluer socialement ou devenir riches : de l’épisode où Lois sert le fameux « gratin de reste » (3.10) à celui où elle a cuisiné un opossum mort trouvé sur la route (6.13), la dèche est une réalité quotidienne. Lois reste caissière dans le supermarché Lucky Aide tout du long, elle ne monte jamais en grade et s’en fait même virer quelques fois. Hal est employé de bureau, relégué près des toilettes, et servira même de bouc-émissaire à son entreprise dans la tourmente. Les enfants doivent tout partager, se refiler leurs vêtements, dormir dans la même chambre ou le même lit, et travailler dès que possible pour compléter les revenus de la famille. On est loin de la vie de pachas ou d’enfants gâtés !
La pauvreté, l’humilité de la condition sociale, les notions de manque et de sacrifices, seront au centre des intrigues jusqu’au tout dernier épisode où Lois révèle à Malcolm sa destinée de future Président des États-Unis issu d’une classe populaire et ayant dû galérer pour en venir aux plus hautes fonctions, se faisant ainsi véritable représentant des plus défavorisés (7.22). Tout en en faisant un véritable ressort humoristique, la série ne manquera jamais de faire passer quelques messages sur la société américaine et plus généralement sur la nature humaine. Ainsi, elle s’illustre plus d’une fois dans le genre très ancien et hautement acrobatique de la satire.
Comique de caractères : le match des personnages
L’humour, c’est aussi le comique de caractère, celui des personnages (characters, en anglais), qui sont l’âme de leur série. Malcolm et Ma famille d’abord mettent en scène deux familles qui ont quelques similitude dans leur structure et les quelques personnalités qui les composent. Livrons-nous à un petit match amical en quelques rounds passant en revue quelques un des principaux personnages.
Round 1 - Match des pères : Hal vs. Michael
Dans Ma famille d’abord, la figure du père, Michael Kyle, est d’entrée présentée comme la principale et fait reposer l’essentiel des situations et de l’humour sur lui. Damon Wyans, créateur, auteur, producteur exécutif, et acteur, porte la série sur ses épaules. C’est son show. Il a une présence remarquable. Dans Malcolm, Hal est d’abord un personnage plus en retrait, dans l’ombre de sa femme, et a fini par prendre de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir la véritable star de la série pour beaucoup. Les deux pères ont en commun une certaine immaturité, espèce d’éternels adolescents, et toutefois une volonté ferme de transmettre des valeurs à leurs enfants, quitte à le faire maladroitement. Si tous deux ont une tendance aux lubies, c’est de façon écrasante que Hal l’emporte dans le nombre comme dans la fantaisie de ces dernières. Michael Kyle est beaucoup moins démissionnaire, et de nombreuses intrigues parmi les plus drôles reposent justement sur la façon dont il va donner une leçon de vie à un de ses enfants en leur jouant un tour. Ses confrontations avec son benêt de fils ainé, Junior, sont parmi les moments les plus incontournables de la série. Des leçons souvent données avec une certaine clownerie assumée, puisque Michael est un père « beau gosse » et extraverti qui fait le show en permanence. Sa drôlerie et son charisme sont certains, et son art de faire tourner sa famille en bourriques, tout à fait jubilatoire. L’amour et l’affection ne sont jamais oubliés pour la petite pause tendresse, autre figure imposée de la sitcom traditionnelle (La Fête à la maison (Full House, en VO) était championne de cette catégorie). Hal est un personnage plus fantasque, rêveur et vulnérable, qui noie son ennuie dans des passions éphémères et improbables. Le point commun le plus net des deux personnages, c’est leur amour passionnel pour leurs épouses, avec qui ils entretiennent une relation torride mêlée de complicité et de crainte. L’aspect dominant/dominé est toutefois largement plus appuyé dans Malcolm, évidemment, où Lois règne sans partage sur la famille où Hal est un peu le petit dernier.
Round 2 - Match des mères : Lois vs. Janet
Lois et Janet héritent toutes les deux du rôle de la mère caractérielle, souvent au bord de la crise de nerf, qui doit à la fois gérer ses enfants et son grand adolescent de mari. Si Janet se montre plus volontiers bonne cliente des pitreries de Michael et affiche elle-même un côté grande adolescente (c’est un couple assez jeune, qui sont devenus parents précocement, cette dynamique plus « juvénile » crée une autre forme de complicité entre eux, une immaturité parfois partagée), Lois est en revanche une véritable matrone et matriarche qui mène sa famille à la baguette. Contrairement à Janet, elle est initialement présentée comme la cheffe de famille, et elle le restera jusqu’au bout, même si le personnage de Hal ne va pas cesser de prendre de l’ampleur et de conquérir le public. Les deux femmes n’en sont pas moins des amoureuses, sensibles aux petites intentions, et gourmandes d’affection (ou gourmande, tout court, pour Janet dont le surpoids et l’appétit sont un sujet de plaisanterie régulier). Souvent obligées d’endosser le rôle du mauvais flic, celle des deux qui s’y illustre avec le plus radicalité et de génie est clairement Lois.
Round 3 - Match des idiots : Reese vs. Junior
Les deux familles ont chacune leur idiot de service parmi les enfants. Dans Malcolm, c’est évidemment Reese. Dans Ma famille d’abord, c’est le fils ainé, Junior, souvent moqué par son père pour son énorme tête chauve pourtant bien vide. Si Junior est juste bête et particulièrement paresseux, il n’est pas quelqu’un de violent ou de sadique comme peut l’être Reese. Pour autant, il n’a pas non plus d’aussi forts moments de vulnérabilité et de bonté que le frère de Malcolm, quand il fait tomber son armure de brute. Reese s’avère, de plus, être un génie dans un domaine bien particulier : la cuisine ! Et même dans ses bêtises, le cœur et la créativité qu’il y met touchent à l’artistique, métaphore souvent filée tout au long de la série. Cela en fait un personnage plus complexe, attachant et nuancé que Junior. Haut fait à ajouter à la gloire du fils de Michael Kyle, toutefois : lui aussi, comme Reese, va se marier très jeune et vivre dans le garage de la famille avec sa jeune épouse : mais pour le coup, pas de « période d’essai » ou de sombre histoire de carte verte. Une vraie histoire d’amour, et même la naissance d’un enfant ! Sacré Junior, on ne l’a pas vu venir, avec son air bête !
Round 4 - Match des petits derniers : Dewey vs. Kadie
Dans toutes les familles de plus d’un enfant, il faut bien un petit dernier. Chez Malcolm, c’est Dewey. Chez les Kyle, c’est Kady. Un garçon et une fille qui ont pour point commun leur mignonnerie, capable d’attendrir n’importe qui, et pouvant toutefois cacher une certaine mesquinerie. Certes, Kady n’a pas son équivalent du célébrissime « Poupipoupi », et elle n’atteint pas les degrés de machiavélisme de Dewey quand il use de son intelligence pour se venger des sévices qu’il endure. Le petit garçon est effectivement beaucoup plus malmené et plus à plaindre : battu par ses frères, souvent exclus, négligé par ses parents. Dewey s’avère être un génie de la musique, talent où tente (bien vainement) d’exceller Kady, mais que seul son amoureux transi, Franklin, qui la coach, sait apprécier. Contrairement à Dewey que l’on va voir grandir sur 7 saisons, jusqu’à environ ses 12 ans, révélant ainsi d’autres facettes plus touchantes, profondes et matures du personnage, Kady, en seulement 5 saisons, restera toujours une petite fille. Ses scènes les plus craquantes, elle les aura avec Franklin, qui est… une tête d’ampoule !
Round 5 - Match des intellos : Malcolm vs. Franklin
Et oui, même Ma famille d’abord a son petit génie ! Franklin Aloyisious Mumford (le nom est déjà tout un programme !) apparaît pour la première fois dans l’épisode 3.11 de la série, assez tardivement donc, mais cela aura suffi pour en faire immédiatement un personnage incontournable et culte. Peut-être le meilleur du show, et un des personnages d’enfants les plus drôles et attachants créés pour une série. Franklin est un petit garçon tout chétif à la langue bien pendu et au langage des plus châtier. Le gag autour de son personnage consiste à en faire un improbable surdoué ayant déjà tout vu, tout vécu, tout appris et tout enseigné à seulement 7 ans. Au gré des épisodes, les scénaristes prennent un malin plaisir à ajouter des lignes à son CV universitaire et artistique. Titulaire de multiples thèses dans différentes disciplines, ayant enseigné dans les plus grandes université, prodige du piano, polyglotte, éminent latiniste, pratiquant un humour pédant qui ne fait rire que lui, c’est le personnage le plus absurde et le plus hilarant de la série. Mais plus encore qu’un génie, le petit garçon est avant tout un romantique et un amoureux transi, de Kadi, qu’il courtise en véritable gentleman cédant à tous ses caprices, et la couvrant de compliments outranciers et autres mots doux surannés. Même (et tout particulièrement) quand la petite fille fait une chose peu remarquable, Franklin ne manque jamais de s’exclamer : « N’est-elle pas grandiose ? », un de ses célèbres gimmicks avec « Enfin… bref ! » (« Anyhoo ! »), achevant la plupart de ses tirades bavardes et sophistiquées. Plus encore qu’avec Kady, les scènes les plus hilarantes et « grandiooooses » de Franklin seront ses dialogues avec son « beau-père », Michael. Dans une complicité qui crève l’écran, les deux personnages vont devenir, au cours des deux dernières saisons, un véritable duo comique tenant quasiment du spin-off. Alors, là, peut-être devons-nous nous résigner à déclarer Malcolm vaincu à plates coutures ! Plus intelligent, aussi bien artiste que savant, plus romantique et plus mignon, Franklin l’emporte haut la main ! Mais notre tête d’ampoule a un atout de poids : tout une bande de ses semblables ! Lloyd, Dabney, Kevin, and bien sûr Stevie, son meilleur ami, sont autant de profiles d’intellos qui contribuent à faire de Malcolm la véritable série des petits génies.
La différence fondamentale du format : un gouffre qualitatif
En fait, la différence principale entre les deux séries tient en un détail qui n’en est pas du tout un : Ma famille d’abord est une série enregistrée en studio, en présence d'un public, dans les conditions d’une sitcom traditionnelle, d’où la présence de rires ponctuant les multiples pontes humoristiques. Malcolm est une série tournée en extérieurs, sans public, et dépourvue de rires enregistrés. Ce point technique a un impact considérable sur le contenu des deux séries, à tous les aspects, et crée un véritable gouffre qualitatif entre elles.
Les conditions de tournage de Malcolm, les méthodes de production et de post-production adoptées, en font une série beaucoup plus ambitieuse, libre et créative dans sa réalisation, son montage et donc son rythme, la variété et l’authenticité des décors (plusieurs décors de la « vraie vie », des lieux de tournage réels, à commencer par les extérieurs de la maison), la variété des personnages et des situations. On peut même finir sur l’incroyable palette musicale de sa bande-originale, véritable juke-box rempli de tubes accompagnant des moments cultes, et qui ont d’ailleurs été pendant longtemps l’obstacle à la distribution en DVD pour des raisons de droits.
Le tout confère à Malcolm une très nette supériorité que l’on pourrait qualifier d’objective, car technique et démontrable. Indépendamment des goûts et des préférences qui ne se discutent pas, la série créée par Linwood Boomer joue simplement dans une autre catégorie.
La cavale en voiture de Reese sur du Sum 41 (3.13), la spectaculaire explosion du Komodo 3000 (4.08), la plongée de la voiture de golf dans la piscine (4.03), les aventures de Francis aux quatre coins du pays, le running gag de Bernard le hamster parcourant le pays dans sa sphère orange dans la saison 3, des effets de réalisations comme les ralentis mythiques (celui du combat contre les clowns (2.03), entre autres), la séquence des Lego avec Godzilla-Lois (2.09), la vue subjective d’une fourmis dans la maison (4.16), le duel de voiture de Lois avec une autre automobiliste dans une surenchère de carambolages (6.06), les diverses séquences oniriques explorant les rêves et les fantasmes absurdes des personnages, l’épisode comédie musicale (6.11), les tribulations de Reese dans l’armée et jusqu’en Afghanistan (5.21, 5.22 & 6.01), le séjour au festival de Burning Man (7.01), l’improbable poursuite en voiture de Hal contre une abeille rancunière (7.05), et tant d’autres séquences devenues cultes sont autant de démonstration de l’inventivité loufoque et débridée de la série, qui ne s’interdit pas grand-chose pour nous surprendre et nous faire rire.
Si Ma famille d’abord se permet quelques escapades dans des décors extérieurs à la maison, c’est toujours dans les limites de ce que permettent ses conditions d’enregistrement plus contraignantes. Les épisodes sans doute les plus ambitieux resteront ceux du séjour de la famille Kyle dans un grand palace à Hawaï (épisodes 3.01 & 3.02). Quant à la réalisation et au montage, là encore, ils restent dans les clous d’une sitcom classique, elles ne peuvent s’aventurer dans des effets de style ou autres fantaisies demandant plus de budget et d’ambition.
Écriture et nuances d'humour
La démonstration de force et de créativité technique, c’est une chose. Mais qu’en est-il du nerf commun des ces deux séries : l’humour et la comédie ?
Il est beaucoup plus délicat de distribuer les points dès lors qu’il s’agit d’une chose aussi subjective et culturelle que l’humour. Chacun peut avoir ses bonnes raisons de considérer que l’une ou l’autre série est la plus drôle.
Si l’humour peut se manifester par – ou – à l’appui de situations burlesques (dans lesquelles Malcolm s’illustre clairement avec plus de panache et d’inventivité), il s’appuie aussi et surtout sur de bons dialogues. Là encore, l’écriture des deux séries est fondamentalement différente de par leur format et leurs conditions de production.
Le rythme des pointes d’humour est plus soutenu dans Ma famille d’abord, qui doit assurer son quota d’éclats de rire à la vitesse d’un sniper en stand up. En contrepartie, l’humour s’y fait aussi souvent plus convenue et prévisible, puisque s’inscrivant dans une longue tradition de sitcom familiale tournée en studio.
Hors de ces contraintes, Malcolm improvise son propre rythme, et en l’absence de rires enregistrés livre le spectateur à sa propre appréciation de la scène. Le public ne sera pas là pour lui indiquer la présence d’une saillie humoristique, plus ou moins explicite. Cela en fait une série beaucoup plus subtile et volontiers ironique dans son humour, s’associant à la créativité de plusieurs situations, confinant parfois à la poésie.
En complément de cette subtilité, elle déploie une intelligence qui fait honneur à celle de son petit génie de personnage principal. Nulle part on ne trouve dans Ma famille d’abord (ni ailleurs) une séquence aussi jubilatoirement brillante que la parabole des fourmis improvisée par Dewey pour démontrer la contingence de l’existence humaine et discréditer la notion de Divine Providence (4.22). Malcolm a l’art de mêler le potache des bêtises inventées par les garçons (niveau « tarte à la crème ») à celui des métaphores filées et ressorts sophistiqués qui n’oublient jamais de s’appuyer sur la réalisation et le montage pour renforcer leurs effets. Le fait est que Malcolm prend le parti de mettre en scène de nombreux personnages particulièrement intelligents, chacun à leur manière. Le héros éponyme est loin d’avoir le monopole du génie, si l’on considère celui de Lois, proche de l’omniscience divine, de Dewey manipulateur expert et musicien prodige, ou encore les passes d’armes caustiques du cynique professeur Herkabe avec son meilleur élève.
« Caustique », justement, c’est un registre où s’aventure allègrement Malcolm, faisant par là preuve de plus d’audace et de politiquement incorrect que Ma famille d’abord. La série de Linwood Boomer nous arrose d’humour au vitriol, parfois très noir, et déboulonne quelques tabous au passage. En cela, elle se montre moins « innocente » et « inoffensive » que la plus sage et familiale série d’ABC.
Conclusion
Réalisation, créativité, sophistication de la mise en scène, dynamisme et ingéniosité du montage, multiplicité des intrigues, variété des décors et des situations, richesse de la bande-originale, intelligence des dialogues et large palette d’humour allant du plus potache au plus subtile en passant par l’absurde, nombreux sont les aspects où Malcolm l’emporte très nettement sur l’ensemble des sitcoms. La série joue simplement dans une autre catégorie, qui n’appartient quasiment qu’à elle. La comparaison obstinée avec Ma famille d’abord, excellente sitcom et peut-être la meilleure de son genre (c’est un autre débat), apparaît ici injuste et inappropriée. You’re not the boss of me now.
Mais pourquoi opposer des séries si différentes dans leurs ambitions et devoir choisir entre elles, quand nous avons la possibilité de les apprécier toutes les deux pour ce qu’elles sont, et que nous avons la chance de les voir rediffusées aussi régulièrement à la télé ? Aucune raison de se priver !
Cela devient un véritable marronnier des interviews du casting de Malcolm : les rumeurs quant à une suite de la série. Après Frankie Muniz à notre micro, c’est au tour de Bryan Cranston d’y aller de son commentaire dans une interview pour UNILAD, un média anglais, à l’occasion de la sortie prochaine de nouveau film des studios Disney The One and Only Ivan.
Très vite, l’interview dérive vers deux sujets devenus incontournables avec Bryan Cranston : son rôle de Walter White dans Breaking Bad, et celui de Hal dans Malcolm, et dans la continuité, les rumeurs persistantes d’un projet de suite à la série. Après être revenu un bref instant sur l’incroyable réunion du casting ayant eu lieu le 8 août en visio-conférence, et nous vous avions racontée en détails, l’acteur s’est prêté de bonne grâce aux questions.
"Il ne faut jamais dire jamais"
Le média anglais a interrogé Bryan Cranston sur la fameuse mode des revivals de séries télé des années 90 et du début des années 2000, et sur la possibilité pour la série Malcolm de connaître le même destin. Avec l'occasion de plonger Hal et Lois dans le monde tel qu'il est aujourd'hui.
"Vous savez, il ne faut jamais dire jamais. Il n’y a jamais eu discussion dans ce sens. Il y a eu des discussions sur « peut-être que si on faisait un film… », vous voyez le genre. Est-ce que ce serait marrant ? Je sais pas pour ce qui est de faire une nouvelle série, il y a quelque chose de l’ordre de la perfection et de la fierté dans ce que l’on fait, et je crois en cela."
D’abord un peu hésitant et confus dans sa réponse, Bryan Cranston finit par affirmer se montrer philosophe quant aux nécessaires adieux qu’il doit se résigner à faire aux deux personnages qui ont forgé sa carrière :
"Je ressens la même chose pour Breaking Bad et Malcolm, j’ai adoré ces deux personnages – ils sont très différents, évidemment – mais je suis également fier des deux, et également content que ce soit fini. Maintenant, il est temps d’aller de l’avant. C’était une part de votre enfance, c’était une part de ma vie d’adulte, cela m’a donné un gros boost dans ma carrière d’acteur et permis de faire d’autres choses. Mais parfois, si vous mangez trop de dessert, vous vous en lassez un peu. Peut-être que nous avons eu tout juste la bonne dose de repas et de dessert. Peut-être est-il temps de débarrasser la table."
"Si quelqu'un se ramène avec une super histoire, ce serait quelque chose de stimulant"
Loin de lâcher le morceau, le magazine UNILEAD a alors évoqué ces rumeurs de suite de la série. Une suite de Malcolm pourrait-elle ainsi prendre la forme d'un film ?
Peut-être, peut-être, on verra. Vous savez, tout dépend de l’histoire. Si quelqu’un se ramène avec un pitch, il faudrait que ce soit un film avec une super histoire, pas seulement dans le sens "on verra bien, signe juste là, et on verra", il faudrait que ce soit quelque chose où je lis le script et me dis : "Wow ! C’est une super histoire, de voir ce qui arrive maintenant, 20 ans plus tard, à la famille." Alors, ce serait quelque chose de stimulant."
Bryan Cranston est alors interrogé sur les idées qui ont circulé, et quel a été son rôle dans le processus.
"Il y a eu quelques idées qui ont été lancées, ça et là. Auparavant, j’étais impliqué là-dedans, mais on a jamais pu se mettre d'accord sur une idée où quelqu'un se dirait "C'est fantastique !", donc c’est un peu retombé."
Une conclusion en demi-teinte, qui vient rappeler que ce projet de film reste bien une rumeur, et plus un fantasme partagé entre fans, scénaristes et casting, qu'une réalité probable. Le chemin pourrait être long, les années passent, les acteurs vieillissent ; la chose pourrait bien ne jamais se faire. Mais comme le dit Cranston lui-même : "Il ne faut jamais dire jamais", après tout…
Bryan Cranston, plus fort que les danses enfiévrées de Shakira et Jenifer Lopez ? Dans un autre genre moins sexy mais clairement plus fun et délirant, l’acteur s'est lui aussi fait remarquer lors du dernier Super Bowl, diffusé mondialement ce dimanche 2 février, dans une impayable pub pour une boisson singeant le film culte de Stanley Kubrick.
Si la parodie est évidemment hilarante, elle bluffe par l’exacte ressemblance des décors et de la mise en scène, plan pour plan, mais plus encore : par l’incroyable interprétation de Bryan Cranston, comme possédé par son illustre prédécesseur. Il y reprend en effet le rôle emblématique de Jack Nicholson : l’écrivain alcoolique et psychotique Jack Torrance, tout droit sorti de l’imagination tourmentée de Stephen King dans son best seller de 1977.
Avec ses moues, ses sourcils arqués et son sourire diabolique, Jack Nicholson est un des acteurs les plus difficiles à singer et égaler dans son registre. Pourtant, Bryan Cranston s’en sort à merveille, et évite tout ridicule ou comparaison défavorable. Une occasion pour l’acteur de prouver, une fois de plus, son talent d’acteur et son potentiel comique nullement mis à mal par plusieurs années de succès dans des rôles dramatiques.
Dr Cranston et Mister Hal
Cette parodie et la folie qu’elle exige d’incarner est l’occasion de retrouver, non sans un certain amusement et un peu de nostalgie, des expressions que nous n’avions pas observées sur le visage de Cranston depuis Malcolm. Le temps d’un instant, on croirait revoir Hal dans ses grandes heures, et s’être perdu dans l’une de ses fameuses rêveries disjonctées.
Parmi toutes les références que les plus cinéphiles auront pu reconnaître – bien sûr, la fameuse scène où Jack Torrance poursuit sa femme avec une hache et passe la tête dans la porte en criant "Chéri, je suis rentré", mais aussi le plan de l’ascenseur qui s’ouvre en déversant un torrent de sang (ici, du soda) dans le corridor de l’hôtel –, c’est le bref plan final à la fois dérangeant et hilarant, où l’on voit Bryan Cranston dédoublé et travesti dans le rôle des célèbres jumelles fantômes de l’hôtel Overlook, qui semble avoir particulièrement marqué et amusé les internautes. Déjà culte !
Bryan Cranston superstar
Non, il ne s’agit pas du trailer d’un prochain Scary Movie (why not ?), mais bel et bien d'un spot publicitaire, pour une boisson gazeuse de la marque Mountain Dew. Mais pas une publicité comme les autres ! Il s’agit de l’un de ces spots publicitaires réalisés et diffusés chaque année spécialement à l’occasion du Super Bowl. Un contexte de la plus haute importance, puisqu’il s’agit de l’événement le plus regardé au monde. Assurer le show de la mi-temps (comme Shakira et Jenifer Lopez cette année), voir sa marque diffusée durant le match ou les pauses, ou encore être l’acteur choisi pour y figurer, c’est à la fois un grand honneur, la promesse de juteuses retombées professionnelles et/ou financière, mais aussi et surtout : la plus extraordinaire vitrine possible, au rayonnement mondial.
Ce n’est même pas la première fois que Bryan Cranston a ainsi le privilège et la chance d’être regardé par autant de téléspectateurs en même temps à travers le monde. En effet, on se souvient que l’épisode de Malcolm le plus vu de l’histoire de la série, c’était précisément "Pique-nique fatal" (saison 3, épisodes 11 et 12), non pas parce qu’il était meilleur qu’un autre, mais simplement parce qu’il avait été diffusé lors du Super Bowl de l’année 2002. Cette fois, c’est tout seul et après bien du chemin parcouru, mais avec toujours autant de talent et de dérision, que Bryan Cranston a rencontré le public planétaire. Le success story continue !
C’est avec beaucoup de générosité, en temps et en confidences, que Jean-Louis Faure a accepté de répondre, en toute décontraction, aux questions de Malcolm France. Avec lui, c’est un pan de télévision et de cinéma que nous avons rencontré, mais aussi, un peu notre papa à tous pendant des années, avant de prêter sa voix au redoutable prof de chimie dealer de méthamphétamine.
Ce tête à tête avec Jean-Louis Faure a évidemment été l’occasion de lui poser plein de questions sur le monde du doublage, sa carrière de comédien, ses débuts, ses plus belles rencontres, sa relation à l’acteur Bryan Cranston, les films et séries sur lesquels il a travaillé (vous avez encore pu l’entendre tout récemment, dans Joker, en tant que VF de Thomas Wayne ! Encore un papa ! Et quel papa ! Celui de Bruce Wayne / Batman lui-même !), et bien sûr : son expérience avec la série Malcolm, les coulisses de cette version française particulièrement culte et réussie à laquelle tant d’entre nous restent attachés.
De quel grand acteur hollywoodien Jean-Louis Faure s’est-il retrouvé la première VF ? Par quelle heureuse circonstance est-il entré dans l’aventure Malcolm, devenant non seulement la voix de Hal, mais aussi celle de Bryan Cranston ? Comment se déroule une session de doublage ? Comment devient-on comédien de doublage ? Pourquoi le doublage de la série Game of Thrones a été si difficile et particulier (Jean-Louis Faure y prête sa voix à Ser Davos) ?
Jean-Louis Faure nous dit tout !
« Je travaille avec ma voix »
Voix française ? Comédien ? Comédien de doublage ? Comédien spécialisé dans le doublage ? Si, dans le langage courant, on a tendance à user familièrement du terme "doubleur", il n’a pas forcément la préférence des professionnels, qui le trouvent réducteur, occultant leur statut de comédien. Avant toute chose, une petite mise au point terminologique s’imposait avec l’intéressé.
"Comédien spécialisé dans le doublage, c’est ce qu’il y a sur Wikipédia. C’est vrai que depuis des années, je ne fais pas de cinéma, je ne fais pas théâtre. Mon existence professionnelle est dans le doublage. Je travaille avec ma voix. Cette appellation reflète donc la réalité."
« Je n’avais pas une fibre théâtreuse comme certains de mes camarades »
Une réalité qui n’a pourtant pas toujours été aussi pleinement consacrée au doublage, pour ce comédien de formation qui se souvient avec humilité de ses débuts qui ont eu bel et bien lieu sur les planches, et non pas tout de suite dans les studios d’enregistrement.
"J'ai commencé comme la plupart des comédiens en faisant du théâtre, avec plus ou moins de succès, plutôt moins, d'ailleurs. C’est un peu ce qui m’a amené vers le doublage, parce que je ne gagnais pas ma vie sur les planches. Et puis je n’avais pas une fibre théâtreuse comme certains de mes camarades."
Si le doublage a été pour lui, initialement, un refuge financier et une opportunité toute pragmatique de gagner sa vie, cela est aussitôt devenu beaucoup plus que cela :
"J’y ai trouvé beaucoup de satisfaction professionnelle, et j’y ai trouvé une famille."
« Aujourd'hui, l'accès aux studios de doublage est très compliqué, voire pratiquement impossible »
Une "famille", une fois qu’on l’a intégrée, mais il ne faut pas s’y tromper : un milieu devenu de plus en plus difficile d’accès, comme le constate Jean-Louis Faure, non sans s’estimer heureux d’avoir l’âge qu’il a aujourd’hui :
"C’est un peu plus compliqué pour les jeunes, car l’accès aux studios est plus compliqué. Il faut vraiment passer par écoles et rencontrer des directeurs artistiques avant d’être admis et faire des tous petits rôles. Avant on pouvait entrer facilement dans les maisons de doublage. Maintenant, c’est très compliqué, voire pratiquement impossible."
Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi, comme se souvient le comédien en se replongeant dans ses débuts, l’apogée des années 80, où la situation était radicalement différente :
"Il y a plus de trente ans, c’était une époque bénie, il y avait beaucoup de travail. Il n’y avait pas tout l’afflux de comédiens qui veulent faire du doublage. C’était un secteur assez méprisé. On rentrait comme on voulait, on rencontrait les directeurs artistiques qui avaient besoin de nouvelles voix, de voix jeunes."
« Je n’ai pas galéré dans le doublage comme j’avais galéré dans le théâtre »
À l’opposé de sa carrière au théâtre qui peinait à prendre son essor et à le faire vivre, Jean-Louis Faure avoue modestement avoir rapidement trouvé ses marques dans le doublage, un contexte plus favorable où ses talents de comédien ont pu mieux s’épanouir :
"J’ai compris assez vite le système, j’étais relativement doué. […] J’ai eu tout de suite du travail. Je n’ai pas galéré dans le doublage comme j’avais galéré dans le théâtre. Très vite, j’y ai rencontré des gens qui sont devenu une famille, j’y ai créé des amitiés. Parmi ces amitiés, il y avait des gens qui eux-mêmes dirigeaient. Et les choses se sont faites assez vite, assez facilement."
Et c’est le moins que l’on puisse dire ! Puisque, dès ses tous débuts, le jeune comédien encore inexpérimenté dans le doublage, se retrouve la toute première voix française de l’un des plus légendaires acteurs d’Hollywood, qui n’était encore lui-même qu’un débutant, un bodybuilder autrichien apparaissant dans des films kitch sur le culturisme. Un certain Arnold Schwarzenegger…
Prestigieux détail voxographique qui ne s’oublie pas, penserez-vous ! Et bien, pas si sûr, manifestement ! Réaction hallucinée de l’intéressé :
"Qui ? Moi ? Non !"
Amusé mais toujours un peu incrédule, Jean-Louis Faure nous laisse le bénéfice du doute, sans cacher sa surprise :
"Eh bien, c’est un scoop. Heureusement, que je suis assis. J’avais zappé ça complètement."
Ce doublage enfoui existe pourtant bel et bien, et fait le miel des amateurs de nanars oubliés.
« Je dois beaucoup à Catherine Le Lann, elle m'a véritablement imposé sur le doublage de Malcolm »
Parmi ces fameuses amitiés avec des "gens qui dirigeaient", il y a celle qui le lie, depuis plus de 18 ans, à Catherine Le Lann, directrice artistique qui a hérité de Malcolm. La chasse aux voix françaises était lancée, et Catherine Le Lann avait déjà son avis tout fait sur la question, au moins sur un des comédiens, dont elle allait par-là même changer la carrière et la vie :
"C’est quelqu’un qui m’a fait confiance. Je lui dois beaucoup. Quand la série lui a été confiée, elle a pensé à moi. Elle m’a véritablement imposé. Le directeur de la maison de doublage ne me connaissait pas. Elle a vraiment insisté, sûre d’elle-même. Et je me suis retrouvé un matin, dans un studio de Libra Films, devant un épisode de Malcolm. Et grâce à elle, j’ai pu continuer à doubler Bryan Cranston par la suite, dans Breaking Bad."
« On s'est vraiment beaucoup amusés sur le doublage de Malcolm »
"On enregistrait tous les étés, généralement aux mois de juin/juillet. Et donc, déjà, on avait un peu chaud. On passait des journées un peu survoltées."
"Survoltées", on a aucun mal à l’imaginer, à la seule pensée de toutes ces scènes cultes où l’excentrique famille d’allumés de notre tête d’ampoule préférée se surpasse dans une surenchère de frasques délirantes. Du fun et des fous rires à la clé, bien sûr, pour les spectateurs. Mais les comédiens de doublage, alors ? S’ils n’ont pas à incarner les personnages à l’écran, ils n’en doivent pas moins apposer la voix la plus crédible possible, s’emparer de leur personnage, capter leur énergie, et recréer toutes les émotions par lesquelles ils passent dans leurs folles aventures. Un travail exigeant qui se mêle au jeu de la comédie :
"On s’amusait beaucoup, mais c’était quand même quand même physique. On sortait de là, on était lessivés. C’était un tel bonheur qu’on était récompensés d’avoir tout donné. Mais fallait y aller. La comédie, c’est physique, il faut avoir des ressources. On s’est beaucoup amusés, vraiment."
Un amusement qui, malgré toute la rigueur de l’exercice, peut laisser imaginer une petite place pour l’improvisation chez les comédiens. Loin s’en faut, comme le précise aussitôt Jean-Louis Faure :
"On a eu la chance d’avoir de bons adaptateurs. Déjà, ça c’est important. Il n’y a donc pas de raisons d’ajouter des choses. Ce que font les acteurs originaux, c’est tellement bien, inutile d’en rajouter. On ne s’est pas autorisés tellement de trucs. Peut-être une fois, par-ci, par-là."
« Hal est plus dingue que tous ses mômes réunis ! »
"On", c’est bien sûr les comédiens assurant le doublage des cinq enfants de la famille, Brice Ournac pour Malcolm et Donald Reignoux pour Reese, pour ne citer qu’eux, mais aussi, bien sûr, la comédienne Marion Game, qui a prêté sa voix à l’épouse despotique de Hal : Lois. Un couple vocal qui s’est rendu la réplique pendant 7 saisons de disputes ou de dialogues torrides. Mais à la vie, alors ?
"On ne se connaissait pas vraiment avec Marion. Ça a fonctionné tout de suite. Je la connaissais, mais je n’avais jamais vraiment travaillé avec elle. Ca a été une découverte pour moi. Là aussi, il fallait que ça marche. Ça a été le choix formidable de Catherine Le Lann de nous associer tous les deux. Elle a une oreille formidable."
Mais de toute la famille, c’est sans conteste le personnage de Hal, qui se distingue rapidement comme le personnage le plus original, dont le succès ne fut qu’un prélude à celui de son interprète original. Une position centrale dans la série dont sa voix française a très vite été conscient :
"On voit très vite que c’est un personnage essentiel, que c’est le plus dingue de la famille. Il est plus dingue que tous ses mômes réunis. Dès le début, je l’ai ressenti comme ça."
Une folie qui ne va pas sans les célèbres pétages de câbles que l’on connaît. Des performances particulièrement extrêmes qui font incontestablement de Hal le rôle le plus intense et sportif à doubler. Jean-Louis Faure le réalise d’autant mieux, des années après :
"Des choses que je pourrais peut-être plus faire aujourd’hui, parce qu’il y a vingt ans, j’avais des capacités pulmonaires qui ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Mais c’est vrai que c’était physique."
« On n’avait aucune idée du succès que ça allait avoir. »
Lorsqu’on lui demande s’ils avaient anticipé le succès que rencontrerait la série en doublant la toute première saison durant l’été 2001, Jean-Louis Faure se refuse à jouer les prophètes à retardement :
"On ne sait jamais. On n’avait aucune idée du succès que ça allait avoir. Mais nous, ça nous amusait tellement, ou trouvait ça tellement original, et décalé, qu’on pouvait imaginer que ça allait plaire. Vingt ans après, ça marche toujours, c’est génial."
Qui dit série phénomène, dit scènes cultes. Bryan Cranston a plusieurs fois confié que sa scène préférée est celle des rollers. Ironiquement, c’est une des rares scènes où le personnage est complètement muet, la scène étant essentiellement musicale. C’est tout naturellement que l’on demande à son tour à son alter ego vocal quelle scène l’a le plus marqué.
"Il y a l’histoire des Lego. Je trouve cette chose complètement folle. Cela m’avait vraiment frappé."
Puis, après un petit temps de réflexion, le comédien trouve une autre réponse, plus enthousiaste encore :
"Il y a une scène aussi que j’avais adoré, mais ça ne concerne pas Hal, c’est Lois sur le parking du supermarché, qui s’engueule avec une autre bonne femme, et elles commencent à jouer aux auto-tamponneuses avec leurs bagnoles. J’avais trouvé ça à mourir de rire. Mais dans chaque épisode, il y a des choses vraiment très drôles. Il y a une invention de la part des scénaristes qui est étonnante."
« Sur le doublage de Game of Thrones, ils étaient vraiment paranoïaques »
Avec la création de nouveaux networks et de nouvelles plateformes, le marché de l’audiovisuel vit une profonde métamorphose dans ses méthodes de production et de diffusion, pour satisfaire ses spectateurs et ses abonnés toujours plus accros et exigeants. De nouvelles méthodes qui ont quelque chose de déconcertant pour les "vieux de la vieille", et qui surprennent ceux qui, comme Jean-Louis Faure, ont connu l’âge d’or du doublage français des années 80/90. Parmi les nouveaux cas de figure auxquels il est parfois confronté, il déplore tout particulièrement que les comédiens ne puissent parfois pas enregistrer ensemble, en même temps, dans une vraie dynamique de dialogue :
"Ça se perd beaucoup, parce que des productions comme Netflix veulent absolument mixer chez eux, quelque fois à Londres ou à Hollywood. Ils veulent absolument avoir des pistes séparées pour pouvoir mixer, eux, comme ils l’entendent. Ce qui fait que quelque fois, on est même ensemble sur le plateau, mais on enregistre chacun séparément. C’est un vrai problème. Surtout quand il s’agit de scènes de comédie."
La nouvelle ère des séries depuis près de 15 ans, avec Internet, c’est aussi la toute nouvelle psychose du "spoiler" et des fuites. Une obsession qui peut vite tourner au délire et à la paranoïa pour les plus grosses productions comme Game of Thrones, série phénomène récemment achevée où Jean-Louis Faure prêtait sa voix à Ser Davos. C’est avec cette série que le comédien garde ses souvenirs les plus improbables :
"On a eu ce genre de petits soucis avec Game of Thrones, pas tout le temps, mais il y a eu un moment où on venait enregistrer avec des images en noir et blanc, traversées par des bandeaux de copyright. Le pire, ça a été l’image totalement noire avec simplement des ronds dans lesquels il y avait les têtes des acteurs qu’on doublait. Pour le directeur artistique, c’était impossible. Nous, on ne savait pas ce que l’on jouait. C’est arrivé une fois, ça. Game of Thrones, c’était n’importe quoi. Ils étaient vraiment paranoïaques."
Si la folie des doublages de Game of Thrones reste une exception, Jean-Louis Faure constate malgré tout que le culte du secret a significativement changé l’accès aux studios d’enregistrement de façon générale :
"Maintenant, quand on arrive au studio, il faut une application sur le téléphone portable. C’est vraiment n’importe quoi. Mais au moins, une fois sur le plateau, l’image est relativement correcte."
L’évolution du marché audiovisuel, c’est aussi le support DVD et le streaming sur Internet entraînant la démocratisation de la VO, devenue le nouveau chic et "ringardisant" la VF pour tout une frange des spectateurs. Mais la riposte s’est organisée, plusieurs passionnés de VF ayant pris la défense de cet art à part entière qu’est le doublage, et les comédiens d’exception qui en sont les plus belles voix. Un regain d’intérêt qui s’inscrit dans une "guéguerre" de cinéphile qui n’a pas lieu d’être pour Jean-Louis Faure :
"Il y a un vrai intérêt, et même temps, il y a les puristes qui ne veulent voir les films et les séries qu’en VO. Donc, il y en a pour tous les goûts."
Habitué à exercer son métier dans le confinement des studios d’enregistrement accessibles aux seuls initiés, Jean-Louis Faure n’a pu que s'émerveiller de l’accueil de plus en plus chaleureux et enthousiaste des fans dans les conventions où il est désormais invité, participant d’une "starification" inédite des comédiens de doublage :
"J’ai fait une convention pour la première fois au mois d’avril. Je me suis bien amusé. J’ai trouvé ça très sympa. J’ai vu d’un seul coup une clientèle de jeunes, de moins jeunes, des gens qui venaient pour avoir des autographes, des photos, pour discuter, j’étais vraiment étonné."
« Rien n'est jamais acquis »
Si la rémunération des acteurs est souvent rendue publique et fait l’objet de médiatisation outrée, celle des comédiens qui les doublent vocalement est, à l’image des autres aspects de leur profession, entourée de mystère. C’est en toute simplicité que Jean-Louis Faure a bien voulu nous en dire plus sur le sujet, à commencer par la question des droits que toucheraient les comédiens de doublage sur l’exploitation de leur voix :
"Des droits, on en a. Ils sont généralement payés avec le cachet, pour disons, vingt ans, trente ans. Et on est payés à la ligne. En fonction des lignes qu’on fait dans la journée. Il y a un tarif télévision et un tarif cinéma. Le cinéma est payé un peu plus cher."
Nullement mal à l’aise sur le sujet et même soucieux d’être précis, le comédien complète sa réponse par un cas particulier :
"Après, il y a ce qui s’appelle des gré à gré. Moi, pour l’instant, je n’en ai jamais profité. Par exemple, si Bryan Cranston fait un 35 [un long-métrage de cinéma], je peux essayer de demander une certaine somme indépendamment du lignage. C’est ce que font mes camarades qui doublent, par exemple, Bruce Willis [Patrick Poivey] ou Sylvester Stallone [Alain Dorval]. S’il y a un prochain Cranston en sortie cinéma, je crois que j’essaierai de demander un gré à gré. Ça me sera peut-être refusé. Rien n’est jamais acquis."
« Quand j'ai doublé Ted Danson, je n’étais pas très convaincu au départ »
"Rien n’est jamais acquis." Une dure leçon que tout comédien de doublage garde à l’esprit, expliquant sans doute, en partie, leur légendaire humilité. Jean-Louis Faure en a fait l’expérience les quelques fois (trois, d’après ses comptes) où le doublage de Bryan Cranston ne lui a pas été confié, pour des raisons inconnues de lui-même. C’est aussi ce qu’il a pu constater par la façon, inattendue et quelque peu abrupte, dont il a soudain hérité du doublage de l’acteur Ted Danson dans ses derniers rôles.
"Pour Ted Danson, c’était un peu particulier, parce que j’ai remplacé un camarade qui avait déjà enregistré une quarantaine d’épisodes des Experts. Mais au moment de la diffusion, la chaine a estimé que cela ne correspondait pas bien à l’acteur. Donc c’était très embarrassant. Pour moi, ça a été très compliqué. Pour lui aussi évidemment. Cela s’est arrangé. La chaine voulant absolument le remplacer, j’étais été choisi sur essai."
La victoire modeste, Jean-Louis Faure fait volontiers preuve de recul critique quant à son travail, comme lorsqu'il nous confie ses sincères réticences quant à sa prestation vocale sur l’acteur Ted Danson, et ne cache pas la perplexité qui fut la sienne quant au choix de sa voix par les directeurs artistiques :
"J’étais pas très convaincu, au départ. La voix que j’entends projetée dans l’auditorium, elle ne me plait pas toujours. En plus, Danson, maintenant, je connais bien sa voix originale, et je trouvais que j’en étais assez loin. Sur The Good Place, j’ai moins ce soucis, parce qu’on me rassure. On a besoin de ça aussi. Les gens te disent : "Si on t’a choisi, c’est que ça marche, ça colle." Mais j’ai toujours un souci avec ça."
« Bryan Cranston me comble vraiment [...] pour moi c'est un rêve réalisé »
Quand on lui demande si son statut de doubleur principal de Bryan Cranston a pu éventuellement lui fermer des portes ou l’accès à la VF d’autres acteurs, Jean-Louis Faure se montre serein :
"Non, parce que je fais quand même d’autres choses. J’ai même pu rajouter deux-trois acteurs qui travaillent bien, pour lesquels on a pensé à moi. Après, peut-être, je ne suis pas dans la tête de tous les directeurs artistiques. C’est arrivé à quelques uns de mes anciens camarades. Et puis ma voix, je la change un petit peu. Je n’ai pas une voix très caractéristique. Même si des gens reconnaissent parfois ma voix."
Et pour cause ! Avec tous les rôles qu’il a eu l’occasion d’assurer au cours des dernières années, Jean-Louis Faure a eu le temps de se faire une petite place, même inconsciente, dans l’oreille des spectateurs. Parmi ces rôles, un des plus étonnants et des plus prestigieux, à l’occasion d’un "redoublage" : celui de Cary Grant dans L’impossible Monsieur Bébé (1938). Acteur légendaire d’Hollywood pour lequel Jean-Louis Faure exprime toute son admiration et son intimidation face au doublage d’un classique du 7e Art :
"J’ai fait ça il y a longtemps. On m’a dit que c’était bien. Moi, j’ai une passion pour cet acteur. J’adore Cary Grant. Je trouve que c’est vraiment un des plus grands acteurs américains de cette époque là. J’ai réécouté L’impossible Monsieur Bébé en VF. D’abord, je n’avais pas la même maturité qu’aujourd’hui. J’ai dépassé l’âge du rôle, mais je pense que je m’en sortirais mieux qu’à l’époque où j’étais quand même un peu jeune. Puis, lui, je le trouve tellement formidable. Moi, je me trouve en dessous."
Autre exercice auquel le comédien prête volontiers sa voix, celui du documentaire. Un genre qu’il apprécie tout particulièrement :
"J’adore ça. Je n’en fais pas tant que ça d’ailleurs. J’aime bien. D’abord parce que j’apprends des trucs. Ce sont souvent des choses de grande qualité."
C’est avec beaucoup plus de réserve, et décidé à ne plus en faire, qu’il évoque le cas très particulier des jeux vidéo :
"J’en ai fait, mais je ne veux plus en faire. Ça ne m’amuse pas trop. C’est des fichiers, on n’a pas d’images, il faut pousser des cris. Et puis comme je vis moitié ici, moitié à Paris... On te fait venir pour une séance, et 8 jours après on te rappelle : "On a rajouté 3 phrases, faudrait que tu passes". Même si en général les studios qui font ça, c’est des jeunes très sympas. Il y a une ambiance très agréable. Malgré tout, moi, je n’éprouve pas beaucoup de plaisir à le faire, donc je n’en fais plus."
Mais au final, de toutes ces expériences diverses et variées, Jean-Louis en revient toujours à celui à qui il estime devoir la meilleure partie de sa carrière :
"Je suis très heureux de la rencontre que j’ai faite avec Cranston. C’est ce que j’aurais aimé jouer si j’avais été acteur dans des films ou des séries. Moi, il me comble vraiment. J’essaie de me mettre le plus possible à son niveau. Ce n’est pas facile. Quand on me dit que j’y arrive, alors là, c’est ma légion d’honneur. Pour moi, c’est un rêve réalisé."
« Mes nouveaux projets m'amusent beaucoup, parce que ça n'a rien à voir avec Malcolm »
"Pour l’instant, je termine The Good Place. A priori, c’est la fin. Et puis, je viens de commencer une série assez amusante. C’est dans le milieu des travs américains. Je fais un vieux travelo noir et aveugle. Ça m’amuse beaucoup parce que ça n’a plus rien à avoir avec Malcolm ou autre chose. C’est un exercice très nouveau, mais très marrant. Pas évident. Il faut être crédible, il faut être sincère. On a fait une journée d’enregistrement, c’était très sympa."
Mais Jean-Louis Faure n’en a peut-être pas tout à fait fini avec Malcolm. Avec les rumeurs persistantes, colportées par Frankie Muniz et Bryan Cranston eux-mêmes, la série culte n’a jamais semblé si proche d’un retour, sous la forme d’un long métrage. Et lorsque l’on demande au comédien s’il est prêt à rempiler au cas où on lui propose le rôle de reprendre le rôle de Hal, sa réponse oscille entre enthousiasme et prudence :
"J’espère bien. J’espère aussi que Marion sera là. On verra ça dans quelque temps. Pour l’instant, on est dans l’expectative."
On verra. Ou plutôt, on écoutera !
Ceux qui suivent de près l’interprète de notre tête d’ampoule favorite avaient pu le découvrir sur Twitter : le 15 novembre 2018, tout juste de retour de Marseille, où nous avions eu le plaisir de le rencontrer une fois de plus, Frankie Muniz accumulait les catastrophes. En plus de la perte douloureuse de son oncle, le jeune homme annonçait que, une fois rentré en Arizona, il avait retrouvé sa maison complètement dévastée par une terrible inondation provoquée par… un de ses chats.
La tweet de la résurrection
Passés le choc et la douleur, le jeune couple semblait avoir retrouvé le moral, et entrepris de nouveaux projets, comme celui de se marier, annonçant leurs fiançailles dans la foulée. Pas de temps à perdre !
Le 27 juillet dernier, ils ont de nouveau créé la surprise sur Twitter, en publiant une vidéo précédée de ce message :
9 months ago, Paige and I lost our home and everything inside of it because my cat caused my entire house to flood. It may end up being one of the best things that could've happened to us. We lost things but we gained life. https://t.co/jE9vcYm0ia
— Frankie Muniz (@frankiemuniz) July 27, 2019
"Il y a 9 mois, Paige et moi nous perdions notre maison et tout ce qu’elle contenait à cause d’une inondation provoquée par mon chat. Cela pourrait bien avoir été une des meilleures choses qui nous soient arrivées. Nous avons perdu des objets, mais nous avons gagné une vie."
Retour en émotion sur le drame
La vidéo proposée est à l’image de ce message : une leçon de vie, pleine de philosophie.
Dans les premières minutes, Frankie et Paige reviennent tout d’abord sur la catastrophe et leur choc en découvrant leur maison dévastée. Chaque pièce est présentée avant/après, ce qui permet de mesurer l’ampleur du sinistre, et du traumatisme pour le jeune couple ayant tout perdu du jour au lendemain. L’émotion est encore vive pour Paige qui peine à parler et ne peut contenir ses larmes. Un témoignage comme l'Amérique sait le faire, à grands renforts de musique, qui pourra en agacer certains, tant nous sommes peu habitués à cet art du storytelling ici en France…
Toutefois, l'émotion cède vite place à un discours plus positif et optimiste. Frankie évoque tout d’abord les neuf mois de galère de démarche avec les assurances et les travaux qui s’annoncent très longs. L’acteur âgé de 34 ans confie avoir toujours été d'une nature extrêmement anxieuse, toujours stressé, au point que cela l’aurait empêché… de vivre, tout simplement, de profiter d’une vie pourtant privilégiée, de s’autoriser à faire des choses, hors de sa zone de confort.
Rendez-vous en terre inconnue
C’est ainsi que le couple, devenu "SDF [de luxe]", a investi dans un camping-car, non pas pour y cuisiner de la meth, comme un certain Bryan Cranston dans sa série phare, mais bien pour voyager, voir du pays, partir à l’aventure.
Décidément très philosophe, Frankie Muniz n’a rien perdu de son affection pour le chat qu’il lui reste, et il lui est même reconnaissant pour son énorme bêtise, y voyant désormais l’instrument de sa libération quasi-spirituelle. Car notre ancienne "tête d’ampoule" semble converti à la pensée minimaliste, selon laquelle on vit mieux et plus heureux avec un minimum de biens matériels, permettant de s’émanciper d’une vie casanière et routinière, consommatrice et matérialiste. "Les choses que l’on possède, finissent par nous posséder", disait un certain Tyler Durden... et bien avant lui, des générations de philosophes remontant aux stoïciens.
Ayant vécu une véritable résurrection à travers leur nouvelle vie nomade pleine d’aventures à travers les États-Unis, le jeune couple a décidé de partager son voyage avec le public, sous forme de vlogs, à découvrir prochainement. Vous serez au-rendez-vous ?
Pour ceux qui seraient déjà conquis, le couple a déjà ouvert un site où l'on peut retrouver l'histoire de leur maison, le récit de leurs fiançailles, et bien sûr, des premiers détails sur leurs aventures.